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M. Tiên préfère rester dans sa chambre avec sa mini radio. |
Trân Quyêt Tiên, 74 ans, est une victime du défoliant employé par les États-Unis durant la guerre du Vietnam. Sa maison se trouve dans la 5e agglomération du quartier de Sài Dông de l’arrondissement de Long Biên. Une modeste demeure de 46 m² qui ne compte qu’une cuisine, une chambre à coucher et un salon désordonné. Cette dernière pièce est réservée ces derniers jours à son petit-fils, un garçon de 14 ans atteint de surdi-mutité congénitale, comme en témoigne les jouets et couvertures qui recouvrent le sol.
Ce qu’a laissé la guerre
D’une voix triste, l’ancien combattant commence son récit par ses années d’engagement dans l’Armée populaire vietnamienne de 1969 à 1975. “À ce moment-là, personne ne connaissait l’agent orange, ses conséquences sur la santé et la gravité de sa contamination. Même quand je me suis marié et que j’ai eu mes enfants, je n’avais pas conscience de mon exposition à la dioxine jusqu’à ce que l’examen médical me le confirme ultérieurement”, se souvient-il. Sans arrêter de veiller le petit garçon assis devant lui en train de jouer avec une moto plastique.
Selon son dossier d’examen médical, M. Tiên est atteint de deux des 17 maladies liées à l’exposition à la dioxine: neuropathie périphérique aiguë et diabète de type 2. Après quelques années au poste de gardien pour une entreprise privée, il n’est désormais plus en mesure de travailler à cause de la dégradation progressive de son état de santé.
Tout en aidant sa femme à changer les vêtements pour leur petit-fils, le vétéran évoque son fils Trân Quôc Tuân. À l’instar de son père, ce dernier est atteint d’une neuropathie périphérique aiguë et de troubles convulsifs des bras et des jambes. Victime de malformations congénitales, il fait partie de la seconde génération contaminée par l’agent orange.
Bien que Trân Quyêt Tiên et son épouse - Bùi Thi Bat - soient conscients de l’état de santé de leur fils, ils ont tout de même décidé de le marier pour préserver l’héritage familial tout en gardant l’espoir d’avoir des petits-enfants en bonne santé. Cependant, après avoir eu deux enfants, une fille et un garçon, la femme de Tuân l’a abandonné. M. Tiên et Mme Bat doivent alors assumer l’intégralité des charges familiales. La mère devient donc le pilier de la famille.
Il y a trois ans, au vu de l’aggravation des maladies de Tuân, le couple a décidé de l’envoyer au Centre de soins et de traitement médicaux des victimes de l’agent orange de Hanoï, dans le district de Ba Vi. Une fois par mois, Mme Bat parcourt près de 35 km en bus pour lui rendre visite. "S’il reste à la maison, nous ne sommes pas capables de contrôler son comportement. Il se frappe la tête contre le mur et se blesse", raconte-t-elle, des larmes dans les yeux et des sanglots dans la voix.
La peur de la solitude
Revenons au plus jeune membre de la famille, le petit-fils du vétéran de guerre. Bien qu’il ait le gabarit d’un collégien, Trân Duc Tài est atteint de déficience intellectuelle qui l’empêche de suivre une scolarité ordinaire. Il témoigne aussi de la persistance de la toxicité de l’agent orange au fil du temps et illustre cette 3e génération de victimes héréditaires de la guerre. Il a été envoyé au Village de l’amitié du Vietnam, qui prend en charge des victimes de la dioxine, implanté dans le district de Hoài Duc.
"Pour resserrer les liens familiaux et soulager notre solitude, la dernière semaine de chaque mois, ma femme le ramène chez nous pendant quelques jours. Son père, en raison de son état de santé, doit rester constamment à Ba Vi", explique le grand-père sur la présence de Tài à la maison cette semaine.
"Très souvent, il agit de manière imprévisible et incontrôlable. Les bruits forts et anormaux l’effraient. Chaque fois qu’il les entend, il se replie sur lui-même, hurle fort et saute vers moi", raconte Mme Bat, âgée de 68 ans.
Son petit-fils Trân Duc Tài, 3e génération de victimes de la dioxine. |
Outre les difficultés financières de la vie quotidienne, l’épreuve la plus difficile pour le couple reste la solitude. M. Tiên préfère rester dans sa chambre avec sa mini radio. "Écouter la radio pour suivre l’actualité est le seul divertissement qui chasse la solitude et la tristesse". Le couple trouve du réconfort et de l’espoir dans sa petite-fille de 11 ans qui, malgré une déformation faciale partielle, est heureusement en bonne santé.
Des allocations de l’État
"M. Tiên est l’un des 36 vétérans de guerre contaminés par la dioxine domiciliés dans le quartier et son fils est l’un des neufs enfants de la 2e génération touchée", informe Nguyên Anh Hy, président de l’Association des victimes de l’agent orange du quartier de Sài Dông.
Les statistiques communiquées récemment par Nguyên Sy Thuy, président de l’Association des victimes de l’agent orange de Hanoï, montrent que la ville en compte plus de 50.000 personnes. Sur ce nombre, 20.400 bénéficient des allocations de l’État et des assurances sociales. Rien que dans l’arrondissement de Long Biên, on compte 125 victimes de la 1re génération et 91 de la 2e. Tous bénéficient d’une allocation mensuelle de l’État.
Chaque mois, une victime de la 1re génération comme M. Tiên reçoit 1,9 million dôngs et son fils, 700.000. Néanmoins, pour celles de la 3e génération comme son petit-fils, l’État est en train d’examiner ses politiques en leur faveur en vue de leur attribuer des allocations.
"Lors du Têt traditionnel et de la Journée des invalides de guerre et des morts pour la Patrie (27 juillet), nous sommes beaucoup réconfortés par les visites et les dons des autorités locales, de nombreux individus et entreprises. L’aide financière peut ne pas suffire mais je pense que l’État et les autorités font tous les efforts possibles pour nous épauler", affirme avec reconnaissance M. Tiên.
Texte et photos: Bùi Phuong/CVN