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Des employés de l'entreprise La Bresse découpent des morceaux de porc, le 24 novembre à Servas, dans l'Ain. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Charlotte sur les cheveux, bouche masquée, mains gantées, en combinaison, tablier et chasuble en cotte de maille pour se protéger des coupures, trois ouvriers s'affairent sur des jambons d'une douzaine de kilogrammes, dans une salle maintenue à 7°C. Les jambons seront ensuite saumurés, barattés, modelés, cuits et placés en chambre froide avant de rejoindre les linéaires des supermarchés ou les étals des charcutiers.
Autant d'étapes qui consomment du gaz et de l'électricité. Côté gaz, l'entreprise La Bresse, 86 salariés, a un peu de répit : le contrat avec son fournisseur court jusqu'à fin 2023, synonyme de stabilité des tarifs sur la période. Pour l'électricité, qui sert à ventiler et réfrigérer, la facture devrait plus que tripler en 2023, autour de 850.000 euros, contre 250.000 euros cette année.
Cette charcuterie de la ville de Servas, qui appartient au groupe coopératif Agrial, réalise un chiffre d'affaires annuel de 17 millions d'euros. A l'heure où commencent les négociations annuelles avec les enseignes de supermarchés, "on est en train de présenter les tarifs 2023 en tenant compte des prix de l'énergie", explique son directeur Marc Berger.
"On a clairement besoin de hausse de tarifs", de l'ordre de 5 à 7%, poursuit-il, à l'occasion d'une visite organisée par Inaporc, l'organisation qui rassemble éleveurs, abatteurs, charcutiers, distributeurs.
Ces professionnels réclament à l’État de faire bénéficier toutes les entreprises du plafonnement du prix de l'électricité, sans quoi se multiplieront selon eux les cessations d'activité "entraînant de nombreuses pertes d'emploi".
En 2022, La Bresse a vendu ses produits en moyenne 10% plus cher, compte tenu, notamment, du renchérissement du porc qui a atteint un sommet cet été, à deux euros le kilogramme, avant de refluer.
"Pour garder l'équilibre, on travaille sur le prix [des produits] et la performance de l'usine", explique Marc Berger. "On va remplir au maximum nos cellules" de cuisson, illustre-t-il devant un four d'où sort un chariot de jambonneaux caramélisés.
L'usine a aussi baissé de plus de 10% sa consommation d'eau, notamment en rationalisant le dessalage des boyaux des futures andouillettes. "Avant le robinet coulait en continu" alors que deux heures de trempage suffisent.
"Passer" 2023
La santé des industriels inquiète les éleveurs qui les fournissent en matière première.
L'éleveur Jean-Vincent Chapaton au milieu de porcelets dans sa ferme de Confrançon, le 24 novembre dans l'Ain. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Les entreprises risquent d'acheter davantage de porc "en Espagne ou ailleurs", où les coûts de production sont plus bas, estime l'éleveur breton François Valy, vice-président d'Inaporc et président du syndicat agricole spécialisé FNP.
Cette concurrence plombe le cours du porc, qui a perdu 25 centimes en un mois, et donc la trésorerie des exploitations, aussi confrontées à la flambée des céréales et de l'énergie. Chaque semaine, environ 180 porcs sortent de la ferme de Jean-Vincent Chapaton et Alexis Pugliese. Ils sont transformés en jambons ou saucissons à cuire à La Bresse, à une vingtaine de kilomètres.
Les beaux-frères, âgés de 38 ans, ont investi plus de 2,5 millions d'euros pour rénover et agrandir l'exploitation familiale de Confrançon, qui compte 380 mères et leur descendance, soit 4.000 têtes. Cette année, il leur a fallu débourser près d'un million d'euros pour nourrir les porcs, contre 700.000 euros en 2021, sur un chiffre d'affaires annuel de 1,2 million d'euros.
Sachant qu'ils doivent aussi rembourser la banque, payer la salariée, l'électricité, les frais de vétérinaire... Ils vont finir l'année dans le rouge, "alors que le prix est monté à un plus haut historique", s'étonne encore Alexis Pugliese. Il lâche : "Si les coûts de production continuent à augmenter et que les cours ne suivent pas, on ne passera pas 2023."
AFP/VNA/CVN