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Carte du monde montrant la perte de biodiversité par région par rapport à un environnement intact. |
La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), créée en 2012, a publié l'an dernier des rapports régionaux déjà alarmants. Mais le rapport de 1.800 pages sur lequel travaillent 150 experts depuis trois ans devrait devenir la véritable référence scientifique en matière de biodiversité comme le sont ceux du Giec pour le climat. Et si le mot "biodiversité" semble parfois bien abstrait, il concerne toutes les espèces animales ou végétales vivant sur la planète, y compris celle qui se met elle-même en danger en détruisant la nature: l'Homme.
"Jusqu'à maintenant, nous avons parlé de l'importance de la biodiversité principalement d'un point de vue environnemental", note Robert Watson, patron de l'IPBES. "Maintenant, nous insistons sur le fait que la nature est cruciale pour la production alimentaire, pour l'eau pure, pour les médicaments et même la cohésion sociale", insiste-t-il. Insectes pollinisateurs, forêts et océans absorbant le CO2, bois pour se chauffer... La nature rend en effet des services inestimables.
Mais "le patrimoine environnemental mondial (...) est en train d'être altéré à un niveau sans précédent", met en garde le projet de synthèse du rapport, projet qui sera discuté, amendé et adopté ligne par ligne par les délégués avant sa publication le 6 mai. Un quart des 100.000 espèces aujourd'hui évaluées - une portion minime des 8 millions estimées sur Terre - sont déjà menacées d'extinction, sous pression de l'agriculture, de la pêche, de la chasse, ou encore du changement climatique. Mais "une accélération rapide imminente du taux d'extinction des espèces" est attendue par les scientifiques, selon le projet de rapport. Et entre 500.000 et un million devraient devenir à leur tour menacées, dont "beaucoup dans les prochaines décennies".
"En train de mourir"
Des projections en accord avec ce que décrivent depuis des années certains scientifiques: le début de la 6e "extinction de masse", la première depuis l'arrivée des hommes sur la planète.
"La science nous dit ce que nos savoirs traditionnels signalaient depuis des décennies: la Terre est en train de mourir", a noté Jose Gregorio Mirabal, président de la COICA, organisation qui rassemble des organisations indigènes du bassin amazonien. "Nous appelons de façon urgente à un accord international pour la nature, pour restaurer la moitié du monde naturel aussi vite que possible", a-t-il ajouté, alors que ce rapport mondial prend pour la première fois en compte les savoirs, les problèmes et les priorités des peuples autochtones. Avant une réunion en 2020 en Chine des États membres de la Convention de l'ONU sur la diversité biologique (COP15), de nombreux experts espèrent que ce rapport de l'IPBES sera le prélude à un accord aussi marquant que celui de Paris sur le climat.
Le texte fait d'ailleurs le lien entre ces deux menaces majeures, identifiant certaines causes similaires, en particulier les pratiques agricoles et la déforestation, responsables d'environ un quart des émissions de CO2 mais aussi de graves dommages directs aux écosystèmes. "Le récent rapport du Giec a montré à quel point le dérèglement du climat menaçait la biodiversité, et le rapport à venir de l'IPBES, tout aussi important pour l'avenir de l'Humanité, devrait montrer que ces deux problèmes ont des solutions communes, à commencer par l'agroécologie", a commenté Laurence Tubiana, architecte de l'accord de Paris. Mais vu l'ampleur des réformes à mettre en place, qui impliquent une véritable transformation de nos modes de vie sur une planète de plus en plus peuplée, les résistances risquent d'être encore plus fortes que pour la lutte contre le changement climatique.