Libye: la situation des migrants, pris au milieu des combats, inquiète les humanitaires

Organisations humanitaires et institutions internationales s'alarment de la situation de milliers de migrants en Libye, pris au piège des combats qui font rage depuis trois semaines entre les forces loyales au Gouvernement d'union nationale (GNA) et celles du maréchal Haftar.

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Des migrants au camp de Ganzour après avoir été transférés en raison de combats à Tripoli, le 5 septembre 2018 en Libye.

Aucune donnée officielle n'est disponible sur le nombre de migrants, souvent clandestins, présents dans ce pays grand comme trois fois la France, carrefour des routes d'Afrique de l'est et d'Afrique subsaharienne menant vers l'Europe. Il est estimé à plusieurs centaines de milliers.
Parmi eux, l'Organisation internationale de la migration (OIM) en recense 5.933 retenus dans des "centres de détention" officiels. D'autres centaines sont détenus par des groupes armés dans d'autres installations échappant à tout contrôle.
Les conditions dans ces centres suscitent régulièrement l'indignation des ONG, qui dénoncent l'arbitraire, les violences (torture, violence sexuelle...), le manque de nourriture et de soins médicaux ou le travail forcé.
Dans un point lundi 22 avril sur la situation humanitaire dans le pays, l'adjointe à l'émissaire de l'ONU en Libye, Maria do Valle Ribeiro, avait dit sa "préoccupation" sur la situation des "migrants, demandeurs d'asile et réfugiés", dont "3.600 se trouvent dans des centres de détention dans des zones proches des lignes de front".
Les centres situés dans la région de Tripoli - et leurs détenus - se sont retrouvés au coeur des combats de l'offensive surprise lancée le 4 avril par Khalifa Haftar, l'homme fort de l'Est du pays, pour conquérir Tripoli, siège du GNA, reconnu par la communauté internationale.
Mardi 23 avril, les inquiétudes se sont concrétisées.

À Gasr ben Ghachir (au Sud de Tripoli), un des plus importants centres de détention situé dans une zone sous contrôle des forces du maréchal Haftar, plusieurs migrants ont été blessés dans des circonstances encore floues.
L'OIM affirmait mardi soir 23 avril que "des migrants sans défense auraient été la cible de tirs aveugles" et que "plusieurs d'entre eux ont été sérieusement blessés".
Boucliers humains 

Carte des zones de combats/frappes aériennes et déplacements de civils à Tripoli et aux alentours.

Mercredi 24 avril, le HCR annonçait l'évacuation de 325 personnes de ce centre, au lendemain de cas "de violence armée contre des détenus qui protestaient contre leurs conditions de détention". "Il n'y a eu aucune blessure par balles", affirmait l'organisme, "mais douze réfugiés ont subi des attaques physiques qui ont nécessité un traitement à l'hôpital".
Mais vendredi 25 avril, MSF a diffusé une vidéo montrant des migrants blessés par balles.
"Une analyse des preuves photographiques et vidéo par des médecins de MSF montrent que les blessures visibles correspondent à des blessures par balles", affirme l'ONG dans un communiqué. "Ces observations sont appuyées par de nombreux témoignages de migrants et réfugiés témoins de ces événements et qui ont rapporté avoir été attaqués de manière brutale et indiscriminée avec des armes à feu", ajoute-t-elle.
L'identité des assaillants est toujours inconnue. Amnesty International a demandé une enquête sur cette attaque.
L'intégralité des migrants restants, soit 650 personnes, a été évacuée jeudi soir  25 avril vers Zawiya, à l'ouest de Tripoli, a annoncé le HCR.
D'autres cas d'abus ont été recensés par des ONG.
Human Rights Watch (HRW) affirme avoir recueilli les témoignages de deux détenus d'un centre de détention à Tajoura (banlieue est de Tripoli) disant que "des hommes armés les ont forcés à réparer des véhicules militaires", "charger, décharger et nettoyer des armes". L'un deux dit avoir été emmené avec d'autres "dans une zone qui a connu de nombreux combats depuis le 4 avril".
Un détenu d'un autre centre, celui de Tarik al-Sikka (centre de Tripoli), a raconté que "des membres de milices ont stocké des armes et des munitions, dont des lance-roquettes, grenades à main et des balles à proximité de là où des migrants sont logés, et ont obligé les détenus à les aider à les déplacer", affirme HRW.
Les ONG appellent les parties en conflit, les puissances étrangères et les institutions internationales à protéger les migrants, cibles vulnérables aux abus ou potentiels boucliers humains.
"Les condamnations de la violence contre les migrants et les réfugiés n'ont aucun sens si elles ne s'accompagnent pas de l'évacuation immédiate de ces milliers de personnes en lieu sûr", estime Karline Kleijer, la directrice des programmes d'urgence de MSF, qui réclame leur "évacuation immédiate hors du pays".

AFP/VNA/CVN 

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