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Prise d'imagerie radio d'un patient atteint d'un cancer, à l'hôpital Henri Mondor de Créteil, le 5 juin 2019. |
Quand on lui a diagnostiqué son cancer du sein il y a 4 ans, Amélie, alors âgée de 30 ans, sans aucun antécédent, a d'abord dû digérer l'annonce. "J'étais en plein préparatifs de mon mariage", se souvient-elle en amont d'Octobre rose, mois de sensibilisation à la lutte contre le cancer du sein.
Elle doit subir plusieurs opérations. "On ne m'a pas retiré un sein, c'était déjà un grand soulagement". Mais les traitements pour guérir ce cancer "hormono dépendant" provoquent une "ménopause artificielle": "j'avais des bouffées de chaleur, j'ai pris du poids, perdu mes cheveux, je ressentais une fatigue chronique", confie-t-elle.
Sa vie intime en prend un coup, d'autant que les traitements, qui entraînent une sécheresse vaginale, rendent aussi les rapports sexuels douloureux.
L'oncologue qui la suit à l'institut Gustave-Roussy, en banlieue parisienne, est alors uniquement "+focus+ sur ce cancer qu'il faut éradiquer".
Comme elle, de nombreuses personnes voient leur vie sexuelle bouleversée par la maladie. Et n'ont souvent personne avec qui aborder le sujet.
"Il y a une vraie demande des patientes, mais peu d'interlocuteurs en face", affirme Pierre Bondil, urologue, oncologue et sexologue. "Sur ce sujet, on reste dans le domaine du tabou, des idées reçues, beaucoup de médecins considèrent que même si c'est important, ce n'est pas la priorité".
Mais les choses commencent à changer. "Depuis quelques années, la dimension du bien-être, de la qualité de vie, est mieux prise en compte dans le traitement du cancer; la santé sexuelle en fait clairement partie", explique-t-il. "Il y a un changement de paradigme: on a un faisceau d'arguments pour dire que comme le sport ou la santé mentale, elle peut probablement jouer un rôle dans la guérison".
"Un déclic"
Problème, la plupart des médecins compétents pour soigner le cancer ne sont pas formés, ou très peu, à cette dimension.
Partant de ce constat, Eric Huyghe, chirurgien oncologue à Toulouse, a créé un diplôme d'onco-sexologie il y a cinq ans. "Cette formation diplômante en e-learning s'adresse à des professionels qui ont un diplôme en sexologie et ne connaissent pas le cancer et inversement", explique-t-il.
"Les données épidémiologiques nous montrent que le cancer a un impact sur la sexualité pour un(e) malade sur deux; c'est un domaine qui ne doit plus être tabou et qu'il faut enseigner", estime-t-il.
D'autant, rappelle-t-il, que les cancers génitaux ou à symbolique sexuelle comme le sein sont très fréquents.
Parce qu'elle manquait de réponses à apporter aux femmes atteintes de cancer, Marion Aupomerol, gynécologue médicale à Gustave-Roussy, s'est formée à la sexologie. Et une consultation de santé sexuelle s'est ouverte à l'hôpital en novembre dernier.
"Les principales questions que posent les femmes ou les couples concernent la douleur, provoquée par les traitements, et la perte de désir, liée à la maladie", rapporte cette médecin. Or "des solutions existent", pour traiter à la fois des problèmes dits "mécaniques" - comme des crèmes contre la sécheresse, ou de la kiné de relaxation - , mais aussi vaincre des blocages psychologiques.
Pendant son cancer, Amélie a été suivie par la gynécologue : "C'est la première personne à m'avoir demandé comment ça se passait dans mon couple", raconte-t-elle.
"Ca a été un déclic pour moi, ça m'a aidé à me dégager d'une certaine culpabilité vis-à-vis de mon compagnon", assure la jeune femme. Tout en rappelant que le cancer peut aussi impacter le désir du conjoint : "voir subitement sa femme avec un crâne chauve n'a rien d'anodin".
"La parole autour de la sexualité s'est libérée dans quasiment toutes les sphères de la société, il faut qu'on y arrive aussi à l'hôpital", prône Marion Aupomerol.
Pour libérer cette parole, la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer a réalisé un livret "préserver sa sexualité" téléchargeable sur son site internet.
AFP/VNA/CVN