Ca trù, un patrimoine culturel immatériel à préserver

Avant d'être reconnu par l'UNESCO en tant que l'un des patrimoines culturels mondiaux à préserver, le ca trù vivait tranquillement depuis plusieurs décennies.

Ce genre artistique risquait de disparaître de la scène de musique vietnamienne. Avis de Bùi Trong Hiên, de l'Institut de la culture et des arts, l'un des experts en musique traditionnelle, qui ont fait d'énormes efforts pour faire revivre cet art folklorique.

* Pourquoi le ca trù relève-t-il des ouvrages culturels immatériels dont la préservation est impérative ?

Contrairement au quan ho (chant alterné du Nord), le ca trù est un genre de musique professionnel et très ancien, daté d'un millier d'années, possédant un important répertoire de même qu'une vaste diffusion sur le plan social, allant de la Cité impériale jusqu'aux scènes de la vie quotidienne populaire. Il était également présent dans les temples, les maisons communales ainsi que les théâtres. Les airs de ca trù sont plus anciens, plus difficiles à interpréter, plus difficiles à comprendre comme à assimiler que ceux du quan ho. C'est la raison pour laquelle sa transmission n'est pas facile. Après avoir passé des vicissitudes, les artistes de ca trù sont de moins en moins nombreux. Le quan ho, au fil du temps, voit son répertoire restauré et transmis aux générations à venir,ce qui n'est pas le cas du ca trù. Au cours des 60 dernières années, ce dernier est devenu quasiment absent de la vie musicale du Vietnam. Le faire revivre est donc réellement difficile, d'où la nécessité de lui accorder une priorité.

* Selon vous, quelle est la position du ca trù dans la musique nationale du Vietnam ?

Le ca trù a commencé depuis quelques temps à renaître. Je peux dire aujourd'hui que plusieurs classes populaires ne tournent plus le dos à ce genre d'art. On peut le constater avec la création de plusieurs troupes et clubs de ca trù tant à Hanoi que dans diverses villes et provinces du pays, sans oublier au sein même de plusieurs familles. Un phénomène qui est apparu spontanément, sans aucun mécénat ni subvention publique. Plusieurs groupes se sont eux-mêmes intéressés à sa restauration sans aucune considération d'ordre économique. J'espère que dans l'avenir, l'État et les entreprises privées fourniront leur aide afin que les chanteurs de ca trù puissent vivre de leur métier, tout en le conservant et en le développant. Je pense qu'après de longues années d'intermède, il faut du temps pour connaître l'esthétique d'un tel art dont les techniques d'interprétation sont plus complexes et plus difficiles à maîtriser, de même que pour le diffuser à nouveau.

* Les musicologues déclarent que l'on peut "sauver" et "faire revivre" le ca trù. D'autres personnes considèrent que l'époque ne lui réserve plus aucune place. Qu'en pensez-vous et comment faire pour le préserver ?

Lorsque je dis qu'il est parfaitement possible de le sauver, j'entends par-là qu'il faut des mesures décisives. Au Vietnam, les chercheurs ne sont généralement pas des gestionnaires et ne peuvent donc pas appliquer toutes les mesures qu'ils estiment judicieuses et adéquates pour préserver, un art traditionnel. À mon avis, il est possible de créer des lieux et espaces pour le présenter, tel que l'organisation de représentations dans les familles, salles de réunion, musées..., permettant non seulement de le maintenir mais aussi de le valoriser.

* Pour le Docteur Trân Quang Khai, l'essentiel est d'encourager les jeunes à revenir vers cette musique, par exemple en l'enseignant dans les établissements scolaires. Est-ce une bonne mesure ?

Je suis entièrement d'accord avec le Docteur Trân Quang Khai. Il travaille en Europe, où les musiques traditionnelles sont bien préservées. Ce qui nous incite à prendre des mesures afin de protéger notre patrimoine culturel. Je pense que le point de vue des jeunes générations change positivement au regard de la musique folklorique. Toutefois, il est à souligner que maintenir une tradition prend beaucoup de temps.

* Afin que le ca trù ait une nouvelle vitalité ou au moins retrouve celle d'autrefois, que faut-il faire ?

Il s'agit d'une longue route à suivre, ne serait-ce qu'en raison de la nécessité d'assurer de manière continue la formation de jeunes générations successives de chanteurs. Cet art doit être restauré étape par étape. En premier lieu, lui rendre sa place en termes de représentation et d'interprétation : temples, pagodes, sites de culte, maisons communales... Une attention particulière devrait par ailleurs être prêtée à son diffusion, sa vulgarisation et son enseignement à une grande échelle, avec la participation active des professionnels. Le plus important est d'accorder un soutien financier adapté à ses interprètes afin qu'ils puissent vivre de leur profession.

* Nguyên Van Huy, membre du Conseil des patrimoines nationaux
Le ca trù figure parmi les 4 patrimoines culturels du Vietnam reconnus par l'UNESCO avec les gongs du Tây Nguyên, le nha nhac (musique de cour) et le quan ho de Bac Ninh. Comment faire pour présenter davantage cet art à tous les amateurs et professionnels ? Comment susciter la passion d'un large public pour un art aussi riche de diversité que techniquement difficile ? C'est réellement problématique, d'autant qu'il faudrait y ajouter des conditions de vie difficiles pour ses interprètes. La création d'un fonds d'assistance des activités culturelles est de plus en plus impérative avec le soutien financier d'organisations sociales, de professionnels, d'entreprises et de passionnés de cette musique.
* Dang Hoành Loan, chercheur chargé du dossier de candidature du ca trù à soumettre à l'UNESCO
Il faudrait d'abord améliorer les conditions de vie des artistes, à commencer par les personnes âgées capables de transmettre leur art aux jeunes générations, en organisant des formations au sein des communautés. Autre mesure importante, multiplier l'organisation de festivals de ca trù à différents niveaux pour attirer le plus de participation possible d'amateurs comme de professionnels.

Lê Hà/CVN

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