>>La justice brésilienne augmente la pression sur Lula
>>Lula condamné, Dilma destituée, Temer accusé, sidérante crise politique au Brésil
L'ancien président Luiz Inacio Lula Da Silva pendant un rassemblement le 11 avril 2016 à Rio de Janeiro. |
À 71 ans, Luiz Inacio Lula da Silva, ex-président du plus grand pays latino-américain (2003-2010) qui jouit toujours d'une forte popularité mais est tout aussi détesté, est pris dans un labyrinthe qui pourrait le conduire à la case prison.
Cette semaine, le jeune juge anticorruption Sergio Moro a ordonné le gel de quatre de ses comptes bancaires, de deux fonds de pension de 2,5 millions d'euros et la saisie de trois de ses appartements dans le cadre d'une affaire de triplex dans une station balnéaire. Lula est accusé d'avoir reçu cette "largesse" d'une compagnie du BTP en échange de son intercession auprès de Petrobras pour des contrats.
Le magistrat a aussi convoqué jeudi 20 juillet Lula pour la mi-septembre dans le cadre d'une autre des cinq affaires dans lesquelles il est visé: l'acquisition controversée d'un terrain.
Enfin, les manifestations auxquelles la gauche avait appelé jeudi 20 juillet "pour Lula et pour la démocratie" dans toutes les grandes villes du Brésil après sa condamnation choc à neuf ans et demi de prison par le même juge la semaine précédente ont fait pschitt. "L'étau se resserre autour de Lula", déclare à l'AFP l'analyste politique David Fleischer, professeur à l'Université de Brasilia.
Voulant épargner aux Brésiliens le "traumatisme" de voir leur ex-président incarcéré, le juge Moro a laissé Lula libre en attendant le jugement en appel d'un tribunal de Porto Alegre (sud), qui aura le sort de Lula entre ses mains - une procédure qui pourrait durer un an.
Ces trois juges décideront d'ouvrir les portes d'une cellule pour Lula ou de nouveau celles du Palais présidentiel du Planalto où il a effectué deux mandats. "Lula essaie de garder une image positive en vue de l'élection de 2018, mais c'est de plus en plus difficile à chaque fois", dit M. Fleischer, au sujet de l'élection prévue en octobre 2018.
Plus combatif que jamais, cet ancien ouvrier métallurgiste a dénoncé un "procès politique", un "massacre" destiné à l'empêcher de remporter la victoire à la présidentielle que les sondages lui promettent. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
La politique, aphrodisiaque
"Comme ils n'ont pas réussi à m'éliminer politiquement, ils veulent me faire tomber avec des procédures", a-t-il lancé de sa voix rauque lors de la manifestation de son Parti des Travailleurs (PT) à Sao Paulo.
"Si le parquet et le juge Moro ont la preuve que j'ai détourné cinq centimes, qu'on me la montre (...) et qu'on m'arrête", s'est-il écrié au milieu de ses partisans. "Lula veut maintenir le PT en vie et il sait que les conditions actuelles, avec plusieurs dirigeants écroués, font de lui le seul capable de le mettre en ordre de bataille", explique à l'AFP André César, analyste à Brasilia des consultants Hold.
Le PT, qu'il a fondé dans les années 1980, n'est pas non plus au mieux de sa forme. Il reste sonné par la destitution l'an dernier de la présidente Dilma Rousseff (2011-2016), dauphine de Lula, qui a mis brutalement fin à 13 années de gouvernement de gauche.
Les enquêtes de "Lavage Express" autour de Petrobras et la déroute historique du PT aux municipales d'octobre 2016 ont encore plus enfoncé le PT, qui ne voit plus qu'une seule issue : Lula. "Il a encore des cartes en main, mais peu. Il peut compter sur la base militante, mais elle se réduit, et sur une partie des classes défavorisées qui gardent une nostalgie (des années Lula)", dit M. Cesar.
Les Brésiliens sont divisés entre ceux qui voient en Lula le brillant pilote d'un Brésil ambitieux qui a séduit le monde il y a une décennie et ceux qui l'identifient aux excès qui ont plombé ce pays émergent. "Je pourrais rester tranquille, mais la politique est un aphrodisiaque", a dit Lula dans un entretien à des journalistes cette semaine, faisant apparemment fi de tous les obstacles en travers de sa route.
AFP/VNA/CVN