>>La Commission européenne favorable à des mesures pour limiter la production de lait
En Europe, la consommation a progressé de 1,4% en 2016 et la demande continue d'augmenter aussi aux États-Unis. Du coup, les cours du beurre industriel s'envolent.
"En janvier, le beurre industriel cotait 4.350 euros la tonne en Europe, alors qu'il était tombé au plus bas l'an dernier en avril, à 2.450 euros la tonne" explique Gérard Calbrix, directeur des affaires financières de l'Association de la Transformation Laitière française : un bond de 77%.
Un employé d'une coopérative basque emballe du beurre produit à Aldudes, dans le sud de la France, le 30 octobre 2015. |
"On avait connu des changements de même ampleur mais jamais aussi rapides" ajoute M. Calbrix.
En Bretagne, dans l'Ouest de la France, le directeur des achats de Bridor, fournisseur de Brioche Dorée confirme que la situation "se tend" sur les prix pour les achats en gros de beurre destinés à ses brioches.
La demande croît d'autant plus que jamais les pâtisseries et viennoiseries françaises industrielles ne se sont aussi bien vendues à l'étranger.
Pour la première fois en 2015, la France a exporté plus d'un milliard d'euros de pâtisseries, a confirmé, Matthieu Labbé, délégué général de la Fédération des entreprises de la boulangerie et de la pâtisserie française (FEB).
Dominique Chargé, de la Fédération nationale des producteurs laitiers ne veut pas pour autant parler de "pénurie" de beurre, mais utilise aussi le mot de "tension", car "on n'a pas de stock", admet-il, alors que l'Union Européenne regorge de stocks de poudre de lait écrémé (environ 350.000 tonnes en janvier 2017).
Au cœur de cette crise, la surproduction mondiale de lait en 2014-2015 qui a coïncidé avec le retournement historique de l'approche scientifique vis-à-vis du beurre dans l'alimentation.
Après la chute du prix du lait, les producteurs en difficulté ont massivement abattu des vaches laitières, faisant baisser les volumes, pour tenter de soutenir les cours laitiers.
«Mangez du beurre»
"Les abattages de vaches ont augmenté dans toute l'Europe", souligne M.Calbrix.
Or depuis le début des années 2010, le discours scientifique mondial a réhabilité le beurre et les graisses animales, longtemps accusés d'être les premiers responsables des maladies cardio-vasculaires, grandes meurtrières des pays riches.
Une récente analyse très commentée parue dans le British Medical Journal conclut qu'il n'y a pas de sur-risque de maladies cardiovasculaires avec une consommation modérée de graisses saturées, que l'on retrouve notamment dans le beurre.
Dès juin 2014, le magazine américain Time avait anticipé le retournement de tendance en publiant à sa une une énorme noisette de beurre fondante, sous le titre Mangez du beurre. La consommation a redémarré cette année-là aux États-Unis, suivie par le Canada et le Japon "qui ont augmenté leurs importations de beurre", dit M. Calbrix.
Côté prix, alors qu'en Allemagne la plaquette de 250 grammes, étalon du marché, a subi 40% d'augmentation dans les enseignes Lidl et Aldi en octobre, le consommateur français est resté jusqu'à présent protégé de cette flambée.
Les prix français dépendent d'une négociation annuelle entre producteurs et grande distribution. Mais celle-ci doit justement s'achever fin février pour l'année 2017.
"Pour l'instant, la grande distribution ne veut pas entendre parler de hausse, nous sommes dans un bras de fer, et nous avons un gros problème", dit M.Calbrix. Un autre facteur protège les consommateurs français, plus gros consommateurs de beurre du monde par tête d'habitant (8 kg par an) : ils ont plutôt tendance à en manger moins.
L'an dernier, les ventes de beurre en grande distribution ont reculé de 1,9% en volume, à 180.000 tonnes.
Il reste néanmoins un problème de taille à régler, réinstaurer de la matière grasse dans le lait, qui sert à fabriquer le beurre, souligne le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll. Depuis 15 ans, le taux de matière grasse du lait en France et en Europe a baissé chaque année, notamment via la sélection génétique des vaches. "Il faudra 10 ou 15 ans pour changer la donne", prédit M.Calbrix.