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De jeunes Bosniens patientent avant un cours d'allemand à Tuzla, dans le Nord-Ouest de la Bosnie. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Sanina, diplômée de l'université de médecine de Sarajevo, a fait en 2010 le tour des hôpitaux pour un travail. Mais, raconte cette femme de 37 ans, on lui demandait "un soutien politique ou autre".
"Une consœur a payé 5.000 euros pour un poste à l'hôpital universitaire de Sarajevo", affirme ce médecin installé aujourd'hui à Paderborn, dans le Nord-Est de l'Allemagne, où elle gagne "quatre fois" ce qu'elle gagnerait en Bosnie.
Sorti de la Matematicka Gimnazija, Aleksa Konstantinov, 19 ans, a suivi l'exemple de 30% des diplômés de ce lycée qui compte parmi les plus prestigieux de Serbie. Il explique qu'après ses études au MIT de Boston, "toutes les portes (lui) seront ouvertes".
Dans son rapport 2016/17 sur la compétitivité, le Forum économique mondial place la Serbie au 137e rang sur 138 dans le classement de la capacité des pays "à retenir leurs talents". La Croatie est 132e et la Bosnie 134e. Et selon une étude récente du Centre monténégrin pour l'éducation civique, la moitié des jeunes veut quitter le Montenegro, un pays de 620.000 habitants.
Lyon ou Manchester rayés de la carte
Souvent divisés, les Balkans sont unis dans cet exode effrayant de leur jeunesse, souvent très bien formée et pour qui l'Occident - en particulier l'Allemagne - fait figure d'Eldorado.
La moyenne d'âge en Albanie, qui dans les années 1990 était parmi les plus basses d'Europe (28 ans), est désormais à plus de 37 ans.
L'émigration "est en forte croissance", écrivait récemment le démographe Vladimir Grecic dans le quotidien de Belgrade, Politika. Rien qu'en 2015, 58.000 Serbes ont émigré, deux fois plus qu'en 2013, poursuivait-il.
En Bosnie, 87.000 personnes sont parties en trois ans, dont un quart sont diplômées de l'université, selon les chiffres d'ONG locales. Rapporté à la population, c'est à peu près comme si la France ou la Grande-Bretagne perdaient chaque année l'équivalent de villes comme Lyon ou Manchester.
Selon une étude de 2015 de l'Office international des migrations (OIM) et du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), "la plupart des émigrants sont les citoyens jeunes, hautement qualifiés".
Devant la Faculté technique de Belgrade, en Serbie. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Mais l'exode ne se limite pas à eux. En Croatie, le taux de chômage des jeunes est de 43%. Or l'adhésion de ce pays à l'Union européenne a ouvert les portes de l'émigration, notamment vers l'Allemagne. "Je pars pour Dortmund. Je commencerai par aider en cuisine dans un restaurant", dit Josip Ivic, 25 ans, qui après trois ans de vaine quête d'un travail en gestion souhaite se bâtir une "vie décente".
"Chaque jeune Kosovar rêve de partir", dit Blerim Cakolli, 31 ans. À défaut de trouver un emploi en cohérence avec son diplôme de droit, il est devenu serveur. Au Kosovo, où 60% des jeunes sont au chômage, "l'absence d'opportunité pour la jeunesse abîme notre société", dit-il.
En Macédoine, "29% des diplômés vivent à l'étranger et 85% de ceux qui sont en dernière année voient leur avenir à l'étranger", selon le rapport d'un groupe de travail sur la question.
Convoitises allemandes
De jeunes Bosniens patientent avant un cours d'allemand, le 23 novembre 2016 à Tuzla, dans le nord-ouest de la Bosnie. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Cette jeunesse attire les convoitises. Deux fois par mois, une association de Tuzla, Alphabet Info Centar, organise des rencontres entre employeurs étrangers et jeunes de cette ville sinistrée du nord de la Bosnie.
L'Allemagne a notamment signé un accord avec des pays des Balkans permettant d'embaucher 250.000 personnes d'ici 2020 dans son secteur de santé, relève le président de cette association, Mersudin Mahmutbegovic.
A en croire une étude de Healthgrouper, un centre de réflexion régional, 1.700 médecins ont quitté depuis trois ans la Serbie, la Macédoine, l'Albanie et le Kosovo.
Leur principale motivation est "le manque de postes, les bas salaires et l'absence de perspectives de carrière", dit l'Albanais Gazmend Goduzi, co-auteur d'une étude régionale sur le sujet.
En Albanie, le site "Make it in Germany" (Réussir en Allemagne) connaît un vif succès et 460 infirmiers ont obtenu un contrat de travail en Allemagne depuis début 2016.
"Le seul moyen de convaincre la jeunesse de rester est d'améliorer son niveau de vie", écrit depuis Boston Aleksa Konstantinov, qui "adorerait revenir en Serbie".
L'Albanaise Ada Markace, 19 ans, espère elle que son inscription dans une université de Munich est un voyage sans retour: elle veut trouver un travail en Allemagne pour "un avenir que (son) pays ne peut (lui) offrir".