Malgré les politiques prioritaires appliquées depuis 15 ans, les constructeurs automobiles dans le pays ne parviennent toujours pas à bâtir une industrie automobile compétitive. Ils s'arrêtent à l'assemblage des pièces détachées importées de l'étranger alors que le taux de composants de fabrication locale reste très modeste (moins de 10%).
Aux explications des experts, la faute incombe à l'absence d'une "ligne de produits stratégiques" pour ce domaine. En ce qui concerne la construction et l'assemblage des voitures, le pays recense maintenant 90 établissements domestiques, 7 entreprises à capital entièrement étranger et 11 coentreprises. À leur naissance, ces dernières s'engagent à atteindre un taux de pièces détachées made in Vietnam de 30-40% après 10 ans d'activité.
Selon la stratégie nationale de développement de l'industrie automobile, à la période 2004-2010, les bus et les camionnettes ont été adoptés comme lignes de produits stratégiques. À partir de 2010, ils seraient remplacés par les voitures de moins de 9 places. En 2010, les voitures de 4 à 9 places construites dans le pays devraient répondre à 15% des besoins locaux.
Or, jusqu'ici, l'industrie automobile nationale ne trouve pas toujours la ligne de produits stratégiques. Pour Phan Dang Tuât, directeur de l'Institut de la stratégie de développement des politiques industrielles, relevant du ministère de l'Industrie et du Commerce, les véhicules de 6 à 9 places seront un bon choix en tant que produits stratégiques. Il juge nécessaire pour le ministère des Finances de réduire la taxe de consommation spéciale sur les automobiles en fonction du taux de pièces détachées made in Vietnam.
Deux scénarios prévus
Duong Tu Anh, expert du Département de l'industrie lourde (ministère de l'Industrie et du Commerce), avance que la stratégie de développement de l'industrie automobile doit se baser sur 5 critères : capacité de production, compétitivité des produits, taux de pièces détachées de fabrication locale, normes de sécurité et goût des clients. Pour les constructeurs automobiles dans le pays, chacun a son propre choix de la ligne de produits stratégiques, qui repose sur ses atouts.
Toyota Vietnam propose des véhicules de 6 à 9 places dont elle occupe maintenant des parts importantes de marché avec l'Innova et la Fortuner.
Le directeur général de la compagnie Truong Hai, Trân Ba Duong, met son choix sur les voitures à moins de 5 places dont Kia. La compagnie Xuân Kiên (Vinaxuki) et Mercedes-Benz Vietnam soutiennent les voitures à 5 places.
La ligne de véhicules stratégiques sera sélectionnée cette année, indique le vice-ministre de l'Industrie et du Commerce, Lê Duong Quang. Selon lui, les véhicules choisis sont obligés de répondre à plusieurs critères : protection de l'environnement, économies d'énergie, prix raisonnable, application de hautes technologies...
Selon les engagements pris dans le cadre CEPT/AFTA (zone de libre-échange des pays de l'ASEAN), la taxe d'importation des voitures sera réduite à 70% en 2014, puis à zéro pour cent en 2018. Ainsi, les véhicules assemblés dans le pays seront soumis à la rude concurrence des importations.
Dans ce contexte, 2 scénarios sont prévus, annonce Pham Dinh Thi, chef adjoint du Département des politiques fiscales (ministère des Finances). Selon le premier, si le pays choisit les produits stratégiques et encourage leur fabrication par des politiques prioritaires, les constructeurs pourront investir dans un élargissement de la production, ce qui augmenterait le taux de pièces détachées made in Vietnam. Ainsi, en 2018, ces véhicules seraient susceptibles de concurrencer ceux importés lorsque le marché sera totalement ouvert.
Le deuxième scénario se fait beaucoup plus pessimiste. En raison d'un manque de ligne de produits stratégiques, le marché vietnamien serait morcelé avec plusieurs produits se partageant des parts de marché relativement modestes. Les producteurs n'auraient pas de conditions requises pour réduire les coûts de revient. Défaitistes devant les voitures importées, les constructeurs pourraient se transformer en importateurs. Dans ce cas-là, le pays se condamnerait à une industrie automobile auxiliaire, avec une éventuelle hausse de la valeur des importations excédentaires.
Thê Linh/CVN