Au restaurant de rue à Singapour : dur d’être sacré par le Michelin

Ils sont une centaine à faire la queue devant un petit restaurant de rue à Singapour, pour goûter au porc braisé à la sauce au soja de Chan Hon Meng. Depuis son sacre par le guide Michelin, il ne sait plus où donner de la tête.

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Les clients font la queue devant Hong Kong Soya Sauce Chicken Rice & Noodle à Singapour.

Chan a toujours eu une clientèle fidèle mais maintenant, le patron du Hong Kong Soya Sauce Chicken Rice & Noodle, dans le quartier de Chinatown, craint de ne plus pouvoir répondre à la demande. Car des clients affluent en masse depuis que le célèbre guide rouge sorti fin juillet pour la première fois à Singapour l’a auréolé d’une étoile.

«J’avais entendu parler du guide Michelin, mais je croyais qu’ils accordaient ces distinctions seulement aux restaurants», raconte Chan, en coupant un poulet servi avec du riz ou de fines nouilles et une sauce au soja.

C’est en effet la première fois que le Michelin récompense la restauration de rue. Chan figure parmi les deux établissements qui ont obtenu une étoile, tandis que le chef français Joël Robuchon, le plus étoilé au monde (25 au total), a vu l’un de ses restaurants dans l’archipel d’Asie du Sud-Est recevoir trois macarons.

«Le fait que j’aie cette étoile montre que la nourriture simple comme la nôtre peut aussi obtenir une récompense internationale», commente Chan.

Un plat dans son restaurant coûte à peine 2,50 dollars de Singapour (1,70 euro), ce qui en fait l’un des moins chers au monde du guide Michelin.

Dix-sept heures par jour

Comme dans la plupart des autres restaurants de rue, Chan propose quelques plats principaux avec lesquels il fidélise sa clientèle. Il vend désormais 180 poulets par jour, soit 30 de plus qu’avant son étoile au Michelin.

«Je ne peux pas en faire plus et je ne veux pas servir de la nourriture qui n’est pas aux normes», prévient le restaurateur de 57 ans qui travaille 17 heures par jour dans sa minuscule cuisine.

Son établissement se trouve dans un centre de restauration qui grouille de vendeurs proposant de tout - crabe épicé, porridge de grenouille, boyau de porc. Des ventilateurs tournent pour atténuer la chaleur accentuée par l’humidité du climat tropical, parfois insupportable. Mais le nombre de clients augmente.

Chan Hon Meng prépare des plats dans son restaurant à Singapour.
Photo : AFP/VNA/CVN

Même succès au Hill Street Tai Hwa Pork Noodle, l’autre restaurant de rue à avoir obtenu une étoile au Michelin de Singapour. Les clients de Tang Chay Seng doivent maintenant patienter jusqu’à deux heures pour goûter au bol de nouilles à la viande hachée à 5 dollars de Singapour (3,30 euros).

Fils d’un immigré venu de Chine, Tang était assistant boucher avant de vendre des nouilles au porc dans un snack, avec l’aide de ses trois fils.

«Acquérir des compétences n’est pas facile. Nous avons travaillé très dur tout le temps et je n’ai pas eu d’enfance», raconte Tang, qui a repris dans les années 1960 le restaurant de son père, tombé malade.

«L’important, c’est les nouilles. Pour le reste, vous pouvez suivre une recette. Mais les nouilles, il faut que ce soit cuit juste bien. Et ça, ça ne s’apprend qu’avec la pratique», explique-t-il. La popularité de son restaurant à Singapour s’est ainsi accrue, lui qui était déjà connu avant l’étoile du Michelin.

Les traditions menacées

Les restaurants de rue à Singapour sont apparus au début du XXe siècle et proposaient des repas bon marché aux immigrés venus chercher du travail à l’époque coloniale britannique.

La profession des restaurateurs de rue - itinérants, sans accès à l’eau potable et déversant leurs déchets dans des égouts à ciel ouvert - a commencé à être réglementée en 1965 après l’indépendance de Singapour, rattachée auparavant à la Malaisie.

«Ces vendeurs de rue ont été relocalisés dans des centres de restauration, avec des abris simples et des étals, afin d’avoir des conditions sanitaires décentes et un endroit permettant aux gens de s’alimenter», se souvient Tang. Chan, lui, est arrivé de Malaisie il y a une trentaine d’années et a appris à concocter le porc braisé à la sauce au soja d’un chef cantonais. Mais, comme d’autres restaurants de rue traditionnels, il a «du mal à embaucher quelqu’un pour travailler ici». De longues heures de travail et un faible salaire sont peu encourageants, sans compter les récentes restrictions de la législation sur le travail des immigrés.

Pour Tang, la génération à venir n’est pas habituée à des conditions aussi difficiles.

«Mon fils a essayé d’ouvrir un établissement, mais il ne pouvait pas rester debout trop longtemps car il a des problèmes aux jambes. Moi aussi j’ai des problèmes aux pieds, à force d’être debout plus de 18 heures par jour», dit cet homme de 70 ans. «C’est un travail dur, mais c’est tout ce que je connais».


AFP/VNA/CVN

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