Salam Hamed, élégant dentiste irakien de 25 ans, n'a pas perdu la vue pour sa belle, mais il a tout de même dû débourser six millions de dinars (5.100 USD) pour la parure de 85 grammes qu'il vient d'acheter au souk de l'or de Bagdad en vue de leur mariage dans six mois.
S'il s'est replié récemment à 1.532,72 dollars l'once, après avoir atteint début septembre un sommet historique à 1.921,15 dollars, l'or reste assez cher pour susciter frustrations et cas de conscience dans cette région où une dot ne se conçoit pas sans or. "Nous avons un proverbe auquel nous croyons : +beauté et bas de laine+", explique Oum Salam, la mère de M. Hamed. "L'or rend la mariée belle et sera un pécule en cas de crise".
Moustapha Kazim, Bagdadi de 23 ans, rêve aussi de convoler en justes noces avec sa fiancée Soura, mais avoue son impuissance face à la loi du marché.
Alors qu'il est déjà convenu qu'il achètera pour jusqu'à cinq millions de dinars (4.300 dollars) d'or, sa récente visite dans une bijouterie l'a laissé "choqué et amer", admet-il. Avec son salaire de quelque 700 dollars par mois, il lui faudra attendre encore près d'un an pour économiser assez, calcule-t-il.
Malgré ces difficultés, pas question pour lui de se contenter d'alliances. "Cela n'est pas possible de faire ça. Je ne crois pas que cela existe en Irak!", lance-t-il.
Les Irakiens ne sont pas les seuls à se plaindre : le Moyen-Orient figure parmi les plus grosses régions consommatrices d'or au monde, avec pour particularité de bouder les lingots au profit quasi exclusif de la joaillerie, selon le Conseil mondial de l'or. "Cela fait quelques années que je prévois de me marier, mais à cause des prix, surtout celui de l'or, je n'ai réussi à me fiancer que le mois dernier", témoigne Alaa John, un designer graphiste jordanien de 30 ans. "En Jordanie, les coutumes, les habitudes et les traditions nous tiennent. Pour se marier, l'or est la clé", soupire-t-il.
Cadeaux de mariage, une question de casse-tête
Dans le sultanat d'Oman, "les parents de la mariée doivent mettre la main à la poche pour faire face à la montée des cours de l'or", témoigne Khamis al-Salehi, venu en famille au souk de l'or à Soueiq, à 150 km au Nord de Mascate, pour préparer le mariage de sa fille.
La frustration ne se limite pas aux clients : "La saison des mariages cet été a été désastreuse. Il n'y a quasiment pas de marché pour les bijoux considérés comme des cadeaux de mariage traditionnels", se désole Marwan Ibrahim, bijoutier dans le souk de l'or de Tripoli au Liban.
Même tendance dans la riche Arabie saoudite : "La demande des bijoux pour les mariages a baissé de 60% avec la montée record des prix de l'or", déclare le doyen des bijoutiers de Jeddah (Ouest de l'Arabie saoudite), Ali Baterfi. Pour s'adapter à cette nouvelle donne, "les joailliers ont réduit de moitié le poids de leurs articles, tout en conservant le modèle", explique-t-il.
Face au casse-tête de l'équation "pas de mariage sans bijoux", certains jeunes promis finissent par se rebeller contre la tradition, voire optent pour la ruse.
Hala, une jeune employée syrienne de 26 ans dont le pouvoir d'achat a fondu du fait de la révolte qui secoue depuis six mois son pays, s'est résignée à acheter une alliance en argent. "C'est moins cher et cela scintille comme de l'or blanc", explique-t-elle.
Malika, une Algérienne cadre dans une entreprise publique, a emprunté la parure de sa belle-sœur afin que son futur mari la lui "offre" devant sa famille.
Deema Tabet, institutrice libanaise de 26 ans, s'est lassée de devoir repousser ses fiançailles à cause des prix élevés : "Nous avons décidé de ne pas acheter de bagues de fiançailles et à la place nous avons acheté un petit appartement. Nous avons décidé de ne pas écouter nos familles", relate-t-elle. "Je porte un joli faux bijou qui a coûté 30 dollars au lieu de 600 dollars et nous nous marions l'été prochain", sourit-elle.
AFP/VNA/CVN