Selon un document fédéral américain cité par CNN, Abdul Farouk Abdulmutallab (ou Oumar Farouk Abdulmutallab), 23 ans, aurait, juste après son arrestation, déclaré agir au nom du réseau d'Oussama ben Laden et être allé chercher matériel et instructions au Yémen.
Pour Bernard Haykel, spécialiste de la péninsule arabique à l'Université américaine de Princeton, "il est indiscutable que le Yémen est devenu de plus en plus important pour Al-Qaïda". En fait, "il l'a toujours été", ajoute-t-il. "C'est une très ancienne connexion, qui remonte aux années 80".
"Et après la déroute d'Al-Qaïda en Arabie saoudite, de nombreux membres saoudiens du mouvement qui ont survécu se sont regroupés au Yémen", dit-il.
Aux prises aux 2 rébellions, l'une au Nord et l'autre au Sud du pays et à des tribus armées traditionnellement jalouses de leur autonomie et gardiennes de leurs territoires, les autorités yéménites peinent à contrôler leur immense pays, dont le relief montagneux offre de nombreuses cachettes.
Le Français Dominique Thomas, fin connaisseur de la région et spécialiste des mouvements jihadistes à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS, Paris), rappelle que "le Yémen est une terre de trafics, un pays qu'aucun pouvoir central n'est jamais parvenu à quadriller efficacement". "Des grandes figures de la rébellion sudiste ont toujours été assez proches des thèses jihadistes, et Al-Qaïda a réussi à engranger un vrai capital de sympathie auprès d'eux. Ils leur apportent soutien et protection", ajoute-t-il.
Après avoir à plusieurs reprises privilégié le dialogue et la politique de la main tendue envers le mouvement d'Oussama ben Laden, dont la famille est originaire du Yémen, le gouvernement de Sanaa a récemment lancé une série d'offensives meurtrières contre ce qu'il a assuré être des bases d'Al-Qaïda, avec le soutien des États-Unis.
Selon ABC News, des missiles de croisière auraient même été tirés depuis des navires US sur les bases de la nébuleuse islamiste.
Les autorités yéménites affirment avoir tué, au cours des 2 dernières semaines, une centaine de membres d'Al Qaïda. Les régions concernées étant fermées à la presse et à tout observateur étranger, ce chiffre ne peut être vérifié de source indépendante.
Dominique Thomas rappelle que "les branches saoudiennes et yéménites d'Al Qaïda ont fusionné, et le numéro deux du mouvement au Yémen est actuellement un Saoudien".
"Ben Laden s'est toujours entouré de Yéménites, en particulier venus des régions du Sud, d'où est originaire son père", dit-il. "C'est culturel, il les comprend et leur fait confiance (...). Et d'un autre côté, les Saoudiens ne l'ont jamais vraiment considéré comme un Saoudien, mais comme un Yéménite".
Berceau de la famille ben Laden, peuplé de tribus rétives au pouvoir central, difficilement contrôlable, le Yémen occupe une place privilégiée dans l'univers jihadiste, précise-t-il.
AFP/VNA/CVN