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Des policiers déployés dans le quartier de Schaerbeek où une attaque a coûté la vie à deux Suédois, le 17 octobre à Bruxelles. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
La demande d'extradition, reçue par les autorités belges en août 2022, n'a pas été traitée par le magistrat compétent du parquet de Bruxelles : un manquement rendu public vendredi soir 20 octobre par le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne, qui a aussitôt annoncé sa démission.
"C'est une erreur individuelle, monumentale, inacceptable", a-t-il déclaré, disant en assumer "la responsabilité".
L'attentat, perpétré par un Tunisien radicalisé de 45 ans en séjour irrégulier en Belgique, a coûté la vie à deux Suédois, tués à l'arme de guerre alors qu'ils venaient soutenir leur équipe nationale de football. L'assaillant, Abdesalem Lassoued, a été abattu mardi matin 18 octobre par la police belge.
L'attaque a rapidement relancé le débat sur les moyens de la justice belge et le manque de suivi des profils radicalisés.
Après trois autres vaines tentatives depuis 2011 en Norvège, Suède et Italie, le Tunisien avait été débouté d'une demande d'asile en Belgique et était visé depuis mars 2021 par un ordre d'expulsion jamais exécuté.
Le gouvernement belge avait initialement fustigé le manque de coopération de certains pays d'origine pour reprendre leurs ressortissants déboutés de l'asile : une défense mise à mal par cette révélation d'une demande d'extradition venue de Tunis.
Le chef du parquet de Bruxelles, Tim De Wolf, a détaillé dimanche 22 octobre le fiasco de la machine judiciaire. "Le grave sous-effectif du parquet a joué un rôle, mais (...) ce n'est pas une justification", a-t-il souligné devant la presse.
Dossier oublié "dans une armoire"
Le chef du parquet de Bruxelles, Tim De Wolf, lors d'une conférence de presse, le 22 octobre à Bruxelles. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Abdesalem Lassoued avait été condamné à "plus de 26 ans de prison en Tunisie en 2005, mais s'est évadé de prison en janvier 2011", a indiqué le magistrat.
Une décennie plus tard, il avait été "signalé" par les autorités tunisiennes "le 1er juillet 2022, via Interpol".
Mais la "notice rouge" de l'organisation internationale ne mentionnait qu'une demande d'extradition "pour évasion de prison" - ce qui n'est pas un motif suffisant en droit belge, empêchant un traitement judiciaire immédiat, a observé la ministre de l'Intérieur, Annelies Verlinden.
La requête de Tunis a dû être précisée dans "une série d'annexes" à sa demande d'extradition adressée le 15 août 2022 à la Belgique, et transmise trois semaines plus tard au parquet de Bruxelles. Le dossier s'y est égaré, oublié "dans une armoire" selon Tim De Wolf.
"Aucun des collègues concernés ne se souvient de ce qu'il en est advenu. Il n'y a aucune trace d'un traitement ultérieur. Il est possible que le magistrat ait demandé" que le dossier soit examiné plus tard "en raison d'un trop grand nombre d'affaires urgentes", a-t-il expliqué.
Le motif de la condamnation tunisienne n'a pas été précisé. Selon plusieurs journaux belges, Abdesalem Lassoued avait été reconnu coupable de plusieurs tentatives de meurtre.
Pilier de l'antiterrorisme
Le ministre belge de la Justice, Vincent Van Quickenborne, annonce sa démission lors d'une conférence de presse, le 20 octobre à Bruxelles. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Face à l'émoi suscité et soucieux de désamorcer la controverse, le Premier ministre Alexander De Croo a longuement réuni samedi plusieurs ministres et responsables des autorités policières et judiciaires. "C'est important qu'un gouvernement tire des leçons rapidement et agisse", a-t-il insisté.
Dans la foulée, il a annoncé le renforcement du parquet de Bruxelles, dont les 119 postes de magistrats existants seront "effectivement pourvus" (contre 95 effectivement en fonction courant 2023), et complétés de cinq magistrats supplémentaires.
À leur tête sera rapidement désigné un nouveau procureur du Roi, après neuf ans d'incertitudes juridiques sur cette nomination-clé, objet d'un blocage entre communautés francophone et néerlandophone.
Le dirigeant libéral a par ailleurs promis un renforcement des effectifs de la police judiciaire dans la capitale belge, ainsi qu'un meilleur partage d'information entre les différents services (renseignement, office des étrangers...).
Enfin, autre symbole, le nouveau ministre de la Justice, désigné dimanche, est Paul Van Tigchelt : ce Flamand de 50 ans, proche collaborateur de M. Van Quickenborne, s'était forgé une solide réputation comme patron, de janvier 2016 à octobre 2020, de l'agence antiterroriste belge (OCAM), qu'il dirigeait lors des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles.
AFP/VNA/CVN