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Le vaccin contre le coronavirus d'AstraZeneca se transforme en casse-tête pour le laboratoire anglo-suédois. |
Il y a encore quelques semaines, AstraZeneca était applaudi pour la rapidité de la mise au point d'un vaccin attendu comme l'un des tournants majeurs dans la lutte contre la pandémie de COVID-19, d'autant qu'il est plus facile à transporter et moins cher que le sérum rival Pfizer/BioNTech.
En outre, le groupe dirigé par le Français Pascal Soriot a promis de fournir le vaccin à prix coûtant pour ne pas tirer profit de la pandémie.
Il se retrouve aujourd'hui cible de l'ire de l'Union européenne pour les retards de livraison de vaccins, et les autorités européennes ont publié le contrat signé avec le laboratoire pour le rappeler à son engagement de "produire 300 millions de doses du vaccin, sans en tirer de bénéfice ni essuyer de pertes".
Une inspection d'une usine belge a eu lieu à la demande de la Commission européenne pour examiner l'argument de "baisse de rendement" avancée par le géant pharmaceutique.
L'Italie a même été jusqu'à agiter l'épouvantail de poursuites - qui viseraient également Pfizer - pour "récupérer les doses promises".
Ces tensions interviennent alors qu'AstraZeneca a obtenu vendredi 29 janvier l'autorisation dans l'UE de son vaccin.
L'efficacité du sérum est toutefois mise en cause par les autorités allemandes pour les plus de 65 ans.
Nationalisme "inquiétant"
Le dirigeant d'AstraZeneca, Pascal Soriot en mai 2014 à Londres. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Aucune des parties ne ressort sous une lumière particulièrement flatteuse" de ces dissensions "ce qui montre pourquoi la perspective du nationalisme autour des vaccins est inquiétante", remarque Michael Hewson, analyste de CMC Markets.
En outre, remarque-t-il, si l'UE "met à exécution ses menaces de bloquer l'exportation" du vaccin produit sur son territoire, cela pourrait engendrer des répliques dans d'autres pays, et notamment au Royaume-Uni au cas où le pays tout juste sorti du marché européen voit à son tour son approvisionnement ralentir.
L'accord avec l'UE assure qu'AstraZeneca fera "de son mieux" pour augmenter ses capacités de production, tout en rappelant que le respect du contrat constitue pour lui "une obligation légale, valide et contraignante", d'après le texte publié par la Commission, sans certains passages.
Même si le groupe ne fait pas de bénéfices, "cela reste un contrat classique", souligne David Greene, associé du cabinet Edwin Coe et président de la Law Society du Royaume-Uni.
Greene souligne que le contrat avec l'UE relève de la loi belge et que cette législation fait donc foi.
Si AstraZeneca ne démontre pas qu'il "fait les meilleurs efforts raisonnables" pour respecter ses engagements, il pourrait avoir enfreint son contrat et risquer de potentielles poursuites, assure l'avocat.
Russ Mould, analyste du courtier en ligne AJ Bell, relativise toutefois les conséquences financières pour le laboratoire : "malgré les questionnements allemands et le manque de volonté apparent de la FDA (l'autorité américaine du médicament) pour approuver le vaccin, beaucoup d'autres pays semblent vouloir continuer à l'utiliser, y compris le Royaume-Uni".
Susannah Streeter, analyste de Hargreaves Lansdown, estime pour sa part que la course au sérum pour endiguer la pandémie a permis au groupe de "gagner une expertise dans les vaccins, qui lui manquait jusque-là".
"Les prises de becs gouvernementales sur l'approvisionnement (...) ne devraient pas engendrer de dommages durable pour sa réputation mais attirer l'attention sur la contribution importante de l'entreprise pour voir la lumière au bout du tunnel des confinements", conclut-elle.