En 2006, à l'Opéra de Hanoi, l'Australienne Eleanor Clapham, alors âgée de 23 ans, s'est permise des familiarités dans un extrait du chèo classique Thi Mâu à la pagode, un personnage paillard et lascif, avant de se mettre dans la peau de Suy Vân, toujours plus captivante.
Cheveux blondes et yeux bleus, vêtue d'un couvre-sein écarlate et d'une longue tunique en 7 couleurs voyantes, elle a stupéfié les spectateurs mordus des théâtres populaire chèo et classique tuông.
Elle s'est révélée comme la première étrangère à avoir réussi à maîtriser ces arts scéniques.
Son succès ne lui est cependant pas monté à la tête. Eleanor Clapham a gardé les pieds sur terre. Elle s'est faite particulièrement discrète ces 4 dernières années.
Elle est retournée en Australie. Son spectacle de 2006 sur la scène de l'Opéra de Hanoi ne l'a pas convaincue sur le plan professionnel. Ainsi, elle a décidé de prendre plus de temps pour des études supplémentaires.
Eleanor a même pensé à abandonner définitivement sa passion pour le chèo et le tuông. Elle s'est sentie dans une impasse.
Elle a indiqué ne plus savoir où aller ou quoi faire. Comme elle était à un carrefour de sa vie, elle a dû chercher à comprendre auprès de psychologues. Elle avait dû travailler à ce moment-là comme serveuse dans un restaurant de Sydney et retrouvé enfin le calme dans la lecture et la composition musicale.
Il y a un an, alors que la jeune femme entreprenait de s'inscrire dans une formation pharmaceutique, elle a reçu l'invitation d'un réalisateur singapourien lui demandant de venir le retrouver pour la création d'un spectacle sur un peintre célèbre du Vietnam, Bùi Xuân Phai, dont les œuvres sont inspirées du théâtre populaire chèo du Vietnam. Eleanor a considéré cette invitation comme miraculeuse. C'est comme si quelqu'un cherchait à lui dire de ne pas abandonner si tôt les arts traditionnels du Vietnam. Qu’elle avait encore une dette envers elle-même.
Entre hommages et créations
Après sa tournée à Singapour, Eleanor a fait escale à Hanoi. Se promenant dans les rues de la capitale, la jeune femme a découvert son nouveau chemin, qui est aussi son rêve d'enfance : devenir musicienne.
Elle a fait beaucoup d'efforts pour se perfectionner dans les arts traditionnels du Vietnam comme le souhaitait ses maîtres. Abandonner tout serait une grosse perte. Ne pouvant pas se soumettre aux contraintes liées à la poursuite des arts traditionnels difficiles et distingués des Vietnamiens, elle va se servir de ce qu' elle a appris pour développer son propre style artistique.
Eleanor a procédé à la composition de ses oeuvres, tout en écoutant également de la musique vietnamienne. Ses nouvelles créations sont influencées par la musique vietnamienne. En créant des oeuvres, elle a découvert ce qu'il y avait au fond de son coeur. Elle se comprend mieux elle-même et se fais plus confiance.
Eleanor s'est déjà produite en Australie. Elle est attendue au Vietnam ce mois-ci. Le 26 juin, elle reviendra par la grande porte de l'Opéra de Hanoi pour sa prestation dans un nouveau programme caritatif baptisé "Réveil" (The awakening). L'artiste australienne fusionnera musique pop occidentale et art traditionnel oriental dans ses 20 nouvelles oeuvres. Elles racontent l'histoire d'une personne qui retrouve son rêve après des moments difficiles où elle a cru abandonner sa passion.
Elle veut transmettre son message aux jeunes vietnamiens, ceux qui sont au carrefour de leur vie. Il nous faut choisir notre propre chemin, confie la musicienne. La soirée d'Eleanor Clapham accueillera d'autres chanteurs, compositeurs et chorégraphes vietnamiens. La musique d'Eleanor sera ensuite réunie dans son premier album intitulé "The awakening", qui sera produit au Vietnam.
Les billets de la soirée "The awakening" sont vendus au Centre de formation professionnelle en faveur des enfants démunis Koto, au 59, rue Van Miêu, Hanoi
(Tél. : 04 37 47 03 37), qui bénéficiera de la recette.
Après "The awakening", Eleanor vient d'annoncer qu'elle allait se marier avec le comédien vietnamien Cat Trân Tùng, celui qui lui a appris à chanter en vietnamien.
Eleanor Clapham, à la source du théâtre classique
Au début de 2005, alors qu'Eleanor Clapham était en fin d'études (spécialisation : art de représentation) à l'Université de Wollongong, elle a appris via l'évaluation d'un de ses enseignants qu'elle ne serait jamais capable de devenir artiste d'opéra. Découragée, la jeune étudiante était à la recherche d'une nouvelle voie, quand elle a assisté à un spectacle de théâtre classique tuông, donné à son école par l'artiste australien d'origine vietnamienne Ta Duy Binh. Eleanor, pour la première fois en contact avec une discipline artistique tout à fait nouvelle, a décidé d'apprendre le tuông pour se distinguer des autres. En mai 2005, la jeune australienne est arrivée au Vietnam avec dans sa poche, l'adresse d'artistes du théâtre classique vietnamiens donnée par Ta Duy Binh. À Hanoi, Eleanor, complètement novice tant en langue qu'en arts vietnamiens, a appris pendant une année et demi le chèo et le tuông avec des maîtres ne parlant pas anglais.
Hoàng Hoa/CVN