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Le chef espagnol Angel León. Photo : AFP/VNA/CVN |
Riz de plancton, boudin de moules, fromage de calamar, ragoût de murex ou algues mentholées... Dans cet établissement d’El Puerto de Santa Maria, ville de pêcheurs du sud de l’Andalousie, l’assiette a des allures d’aventure, centrée sur l’océan et ses trésors.
La mer est "un garde-manger extraordinaire" mais souvent "insuffisamment pris en compte" par les cuisiniers, justifie ce chef hyperactif, tête ronde, carrure massive et tatouage de tortue sur l’avant-bras.
"Le problème, c’est que l’être humain est toujours sélectif" dans les produits qu’il choisit de manger, ajoute cet apôtre du "zéro déchet". Or “tout ce qu’on trouve” dans l’océan "est susceptible d’être cuisiné" si l’on s’éloigne des "modes", estime-t-il.
Moulin à marée
Né à Jerez de la Frontera, Angel León a passé son enfance dans les marais de Cadix, où il allait pêcher le week-end avec son frère et son père médecin. Un véritable bol d’air pour cet élève en froid avec l’école, mais passionné par les poissons et leur préparation.
Décidé à faire de cet amour son métier, Angel León intègre, adolescent, l’école hôtelière de Séville, puis file faire ses armes en France au Chapon Fin, haut lieu de la gastronomie bordelaise.
En 2007, sonne l’heure du retour aux sources : après un passage par Madrid puis par Tolède, le chef âgé de 30 ans ouvre à quelques kilomètres de Cadix son propre établissement, l’Aponiente, avec la volonté de revisiter les produits de la baie.
Le chef espagnol Angel León dans son restaurant Aponiente à El Puerto de Santa Maria, en Andalousie, dans le Sud de l’Espagne. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Le pari est risqué et Angel León, faute de clients, manque de mettre la clé sous la porte. Jusqu’à sa première étoile au Michelin en 2010, qui lui donne l’élan nécessaire pour attirer des gastronomes du monde entier.
En 2015, son projet prend de l’ampleur : l’Aponiente, classé par le Wall Street Journal parmi les dix meilleurs restaurants d’Europe, déménage dans un moulin à marée de 1815, pour lequel Angel León dit avoir eu le coup de foudre.
Cet édifice de 1.800 m², situé au cœur des salins et exposé aux reflux de l’océan, est alors à l’état de ruine. Bordé de vieux hangars en tôle, le terrain attenant fait quant à lui office de décharge publique.
Angel León, surnommé le "chef de la mer", investit 2,5 millions d’euros afin de remettre à flot le bâtiment. Et opte pour un décor contemporain qui se fond dans les paysages saliniers visibles juste derrière les fenêtres.
Etre au cœur des marais "permet aux gens de comprendre pourquoi nous cuisinons comme nous le faisons", souligne Angel León, aujourd’hui à la tête d’un équipage de 70 personnes, dans une région ayant l’un des taux de chômage les plus élevés d’Europe.
"La bouche et l’esprit"
Ces dernières années, le succès du cuisinier andalou, connu en France pour avoir participé à Top Chef, a fait des émules.
Dans le sillage de l’Aponiente, premier restaurant triplement étoilé d’Andalousie, trois autres chefs de Cadix ont obtenu une étoile au Michelin - dont son ex-chef de cuisine, Juanlu Fernández. Une dynamique venue consacrer le renouveau de la cuisine andalouse.
Décidé à "ouvrir la bouche" des gastronomes mais aussi leur "esprit", Angel León s’est lancé quant à lui dans de nouvelles expériences, mêlant défense de l’environnement et recherche de nouveaux ingrédients, pour adapter notre alimentation au réchauffement climatique.
Le patron de l’Aponiente - inventeur en 2008, avec le Centre de recherches marines de Cadix, du "Clarimax", une machine utilisant des algues marines pour éliminer les graisses des bouillons - s’est ainsi donné un défi : domestiquer et cultiver la "zostère marine" ou riz marin.
En partenariat avec des universitaires, le chef quadragénaire est parvenu à planter dans les marais de Cadix cette céréale au gros potentiel nutritif, capable d’absorber d’importantes quantités de CO2. Un test qu’Angel León et son équipe espèrent étendre rapidement, pour donner de l’élan à ce "superaliment".
AFP/VNA/CVN