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Le start-upper Nguyên Van Chung. |
Né en 1984, Nguyên Van Chung est domicilié dans le district de Thuong Tin, à Hanoï. À ses 18 ans, un accident lui a pris ses deux jambes. Ce jour-là, alors que le garçon nage, il est soudainement pris dans le moteur d’une pompe à eau. Chung est amputé des deux jambes. Il plonge alors dans un sombre tunnel. "J’ai vécu dans le désespoir pendant environ six mois. À m’apitoyer sur mon sort. À penser à mendier. Même à la mort".
Mais Chung pense aussi à sa mère malheureuse. Petite, elle était victime d’une discrimination au sein même de sa famille en raison de la persistance à la campagne de l’idéologie féodale qui consiste à respecter les hommes et à mépriser les femmes.
Mariée, elle a vu trois de ses quatre enfants accidentés. "Chaque accident de nos frères lui a coûté plusieurs dizaines de millions de dôngs. J’avais le cœur serré en la voyant se donner de la peine pour emprunter de l’argent". Tous les témoignages que Chung a reçus de sa mère lui ont donné de la force. Il se rétablit progressivement, reprend doucement espoir et confiance en la vie.
Revanche sur la vie
En 2003, le garçon s’inscrit à un programme sportif pour les personnes handicapées de Hanoï. Doué pour la natation, il est envoyé la même année aux Jeux sportifs d’Asie du Sud-Est pour handicapés (ASEAN ParaGames) où il remporte deux médailles d’argent. Et il décroche l’or lors des éditions de 2008 tenues en Thaïlande.
Après dix années à se consacrer au sport, Chung comprend que son âge d’or pour la natation est derrière lui. Il lui faut penser à une autre voie pour gagner sa vie. En 2013, avec une modeste somme de 30 millions de dôngs de primes économisées durant ses dix ans de compétitions sportives, Chung crée une entreprise de fabrication de savons à partir de matières premières naturelles et labélisés "Sam-Sôn".
Le savon Sam-Sôn créé par Nguyên Van Chung. |
"L’idée de créer mes propres savons m’est venu lorsqu’un de mes amis m’a offert un savon naturel alors que je pratiquais encore la natation. Je me rappelle que son utilisation était très agréable, il convenait parfaitement à ma peau sèche et la rendait douce. C’est ainsi que j’ai compris les bienfaits des produits naturels pour le corps".
Pour une personne en pleine forme, créer une entreprise n’est pas une promenade de santé. Autant dire que les choses n’ont pas été faciles pour une personne amputée des deux jambes comme Chung. Chaque jour, avec ses béquilles, il fait la navette partout afin de faire fonctionner son atelier.
Faire la différence
Sans agents chimiques, le savon Sam-Sôn est fabriqué entièrement à partir de citron, de miel d’abeille, de sel raffiné, de curcuma, de poudre de citronnelle, de feuilles de thé et d’extraits d’huiles de palmiers, notamment. "Toutes les étapes de fabrication sont artisanales, ce qui me demande énormément de temps et d’efforts".
Lorsqu’on lance un nouveau produit sur le marché, la plus grande difficulté est de conquérir le consommateur. "Pour bien se vendre, il faut gagner la confiance des clients". Dans les premiers temps, Chung choisit de présenter ses produits lors de foires et expositions. Sur son stand, il fait des démonstrations sur le processus de fabrication. Progressivement, des commandes lui parviennent.
Après sept ans d’activité, l’enseigne Sam-Sôn propose huit sortes de savon dont les plus connues sont faites à partir de base de cire d’abeille, de melon amer, de menthe et de charbon de bambou. En plus de diversifier les matières premières afin de pouvoir satisfaire différentes tranches d’âges et convenir à différents types de peau, Chung investit aussi dans les couleurs, odeurs et emballages. Il prête une attention particulière aux retours des clients afin d’améliorer le design : au lieu de la forme carrée classique, il en crée d’autres inspirées de fleurs, de cœurs...
Fabriqués à partir de matières premières naturelles, les savons Sam-Sôn sont donc respectueux de l’environnement. |
Outre le savon, le start-upper lance également des sels de bain pour bébés, toujours à partir de matières premières naturelles. Actuellement, Chung dispose de six agents principaux situés dans des grandes villes que sont Hanoï, Hai Phong au Nord, Dà Lat (province de Lâm Dông) sur les hauts plateaux du Centre, Hô Chi Minh-Ville, Cân Tho et Phu Quôc (province de Kiên Giang) au Sud. En moyenne, il écoule de 3.000 à 5.000 savons par mois, au prix de 50.000 dôngs (moins de 2 euros) la pièce de 100 grammes. Ces trois dernières années, son chiffre d’affaires a varié entre 400 et 500 millions de dôngs par an.
"Les bénéfices me permettent d’avoir une vie stable et d’aider un peu ma mère. À l’avenir, je souhaite lancer de nouvelles gammes de produits entièrement dédiés au bien-être et étendre mes ventes dans l’ensemble du pays".
Par son courage et son énergie, le jeune entrepreneur handicapé a su conquérir son destin pour mener à bien son entreprise. "Chung est un brillant exemple de force vitale. Son savon Sam-Sôn a été testé et reconnu comme bio et bon pour la santé. C’est un produit au fort potentiel car il convient parfaitement aux goûts des consommateurs", estime Vu Kim Anh, responsable du projet "Innovation et Start-up" du Centre d’études commerciales et d’assistance aux entreprises (BSA) de Hô Chi Minh-Ville.
Linh Thao/CVN