"Monsieur kèn Tây", la fierté d’un village du Nord

Qui dit fabrication vietnamienne d’instruments à vent, dit village de Pham Pháo, province de Nam Dinh, au Nord. C’est là qu’est né cet artisanat non traditionnel qui fait la particularité du delta du fleuve Rouge. Rencontre avec un trompettiste.

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Nguyên Van Cuong ou "Monsieur kèn Tây".

À midi, le silence règne dans le village de Pham Pháo, commune de Hai Minh, district de Hai Hâu, province de Nam Dinh (Nord). Puis, soudainement, s’élèvent les sons mélodieux d’un saxophone.

La maison de Nguyên Van Cuong ou "Monsieur kèn Tây" (trompette d’Occident) se situe au milieu du village. Une grande bâtisse dont la pièce centrale de 200 m² brille d’un vif cuivré par ses instruments à vent. Saxophones, trompettes, trombones, trombones basse, tubas, cors… Tous ces cuivres sont bien rangés. "Parce qu’ils viennent d’Occident, ils sont appelés +Instruments à vent occidentaux+ (kèn Tây en vietnamien). Ce nom s’est perpétué jusqu’ici, comme ceux fabriqués chez nous, à Pham Pháo", a expliqué M. Cuong.

Selon lui, c’est dans les années 1950 qu’est apparu dans le village ce nouveau métier, celui de fabriquant de kèn Tây. "Le créateur est mon père Nguyên Van Biên", a poursuivi Nguyên Van Cuong, fier que sa famille perpétue le métier depuis trois générations. Ses deux frères puis ses quatre fils ont repris le flambeau.

Le premier fabricant de kèn Tây au Nord

Né en 1955, M. Cuong porte bien son âge. Avec sa longue chevelure poivre et sel, il a plus l’air d’un artiste que d’un artisan. Il joue à merveille toutes sortes d’instruments à vent. "J’ai grandi au milieu des airs du +kèn Tây+. Cette passion sans limites pour ces instruments, je l’ai héritée de mon père", a-t-il confié.

Nguyên Van Cuong dans son atelier.

Cela se passe au début des années 1950. Passionnés pour ces instruments, son père Nguyên Van Biên et ses amis se cotisèrent pour s’en procurer quelques-uns, avant de créer un groupe amateur à Pham Pháo. Un jour, ces instrumentistes autodidactes se heurtèrent à une grande difficulté, celle de réparer leurs kèn Tây souffreteux. À cette époque, il n’y avait pas de réparateur professionnel à Nam Dinh.

Nguyên Van Biên décida alors de "désosser" le kèn Tây en panne pour étudier sa structure, afin de le réparer. C’est ainsi que l’instrumentiste devint, grâce à ses efforts, un réparateur d’instruments à vent. Mais M. Biên ne s’arrêta pas là. Grâce à ses mains habiles d’artisan professionnel (Pham Pháo est un village de métier réputé pour la sculpture, l’incrustation, l’orfèvrerie), il réussit le tour de force de fabriquer lui-même une trompette en cuivre. C’est ainsi que son atelier de kèn Tây vit le jour.

"À l’époque, mon père était l’unique fabricant d’instruments à vent au Nord du Vietnam. Peu de temps après, d’autres apparurent dans des villages voisins, mais ils ne pratiquèrent pas ce métier depuis longtemps", a précisé M. Cuong. Avant de dévoiler qu’il n’existe plus à Pham Pháo que trois ateliers qui sont ceux de ses trois frères.

Pas de quoi envier les marques japonaises  

Déjà un demi-siècle que Nguyên Van Cuong fabrique des kèn Tây. Afin de perfectionner ses compétences professionnelles, au début des années 1980, il se rendit dans le Sud, à la rencontre d’experts auprès desquels il put acquérir de nouvelles techniques. Il s’appliqua sans cesse à créer des machines-outils facilitant la fabrication de ces chers kèn Tây.

Le village de Pham Pháo dispose de bons instrumentistes et de bons réparateurs.
Photo : QDND/CVN
Photo : QDND/CVN

"Autrefois, mon père réalisait tout à la main, et ne pouvait fabriquer que trois ou quatre instruments par an. Désormais, grâce aux machines, mon atelier peut en sortir des dizaines. Sans compter la réparation de centaines d’instruments provenant des quatre coins du pays", s’est-il enorgueilli. Situé dans une ruelle, l’atelier de M. Cuong propose une vingtaine de types d’instruments à vent. Ses kèn Tây bénéficient d’une garantie de 30 ans.

Le patron prête une attention particulière à la qualité du cuivre, à la chaîne de fabrication des pièces et aussi au processus d’assemblage. "Je peux dire sans exagération que la qualité de mes +kèn Tây+ n’a rien à envier à celle des marques japonaises ou américaines", a-t-il souligné avec un large sourire.

Prenant un saxophone récemment fabriqué, il se met à jouer un morceau qui ensorcèle d’emblée les visiteurs. "Nguyên Van Cuong fait partie de la troupe de +kèn Tây+ de la commune de Hai Minh. En 2017, au Festival national d’instruments à vent, nous avons décroché cinq prix : trois A, un B, et un prix d’Excellence pour le chef d’orchestre", a précisé Nguyên Xuân Khoát, chef d’orchestre de la troupe.

Ces dernières années, le Vietnam a connu une importation massive d’instruments de musique à vent étrangers. Leur prix a affiché une baisse importante, et s’avère presque égal à celui de fabrication locale. "Qu’à cela ne tienne. Nous nous focalisons actuellement sur la réparation des instruments abîmés. Il y a beaucoup de travail. On ne fait pas fortune avec les +kèn Tây+, mais on ne sera jamais pauvre, c’est certain. Et puis, vivre de sa passion, c’est un luxe de nos jours", a conclu M. Cuong, satisfait.

Nghia Dàn/CVN

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