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Airbnb, qui subit aussi le contrecoup de la crise sanitaire, pourrait voir validée par la justice européenne la réglementation que lui impose la Ville de Paris. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
À l'Umih, principal syndicat de l'hôtellerie restauration en France, on "se réjouit de voir qu'Airbnb n'est plus intouchable, alors qu'ils ne paient pas d'impôts en France et passent pour des oies blanches", dit Laurent Duc, président de sa branche hôtellerie.
Mardi dernier 9 juin, le tribunal de Paris a condamné la plateforme américaine -qui a illico fait appel de ce qu'elle estime être un "litige d'ordre privé", pour n'avoir pas vérifié la légalité d'une annonce. Elle devra verser, solidairement avec une locataire, 58.000 euros à une propriétaire dont l'appartement parisien avait été sous-loué illégalement pendant deux ans.
De façon inédite, le tribunal a estimé que la plateforme de locations touristiques entre particuliers n'était pas un simple "hébergeur" de contenus mais un "éditeur", "actif" dans sa "mise en relation des hôtes et des voyageurs" car elle intervient beaucoup sur le contenu déposé par les loueurs.
Selon l'avocat de la propriétaire, Me Jonathan Bellaïche, cela signifie qu'"Airbnb est responsable des actes commis par ses utilisateurs et devra répondre de tous les agissements illicites commis sur sa plateforme".
"C'est la première fois, en France et dans le monde, qu'Airbnb est clairement jugé éditeur : c'est révolutionnaire", dit Julie Besse, directrice juridique de l'Umih. Ce jugement, qui devra être confirmé en appel, "montre une tendance à ne plus croire les contre-vérités que les plateformes véhiculent", estime-t-elle.
"Raison impérieuse d'intérêt général"
Fin 2018, l'organisation qui défend les intérêts des hôteliers français a attaqué Airbnb pour concurrence déloyale auprès du tribunal de commerce de Paris, estimant que la plateforme "viole sciemment" la réglementation qui régit son activité - le jugement est attendu d'ici fin 2020.
Pour Mme Besse, "Airbnb ne peut plus se dire incapable de vérifier que les résidences principales ne sont pas louées plus de 120 jours, ou que les annonces ont bien un numéro d'enregistrement", comme prévu par la loi.
Aussi, dans le contexte en lien avec l'épidémie de COVID-19, Airbnb ne devrait mettre en ligne que les annonces de logements nettoyés selon le protocole sanitaire, estime l'Umih. Or si la plateforme incite les loueurs à le respecter, elle ne contrôle aucunement la bonne exécution des consignes, font valoir les hôteliers.
De son côté, la Cour de justice européenne doit dire bientôt si la France peut soumettre à autorisation les locations de meublés touristiques sur Airbnb, dans une affaire, suivie de près par de nombreux États membres, opposant la Ville de Paris à la plateforme.
Dans un avis daté du 2 avril qui pourrait être suivi par la Cour, l'avocat général a penché en ce sens, en estimant qu'une réglementation nationale prévoyant ce type d'autorisations était conforme à la directive européenne sur les services de 2006 : celle-ci le prévoit en cas de "raison impérieuse d'intérêt général", telle que la lutte contre la pénurie de logements.
La mairie de Paris a assigné en justice la plateforme, passible d'une amende de 12,5 millions d'euros pour avoir mis en ligne un millier de logements non enregistrés.
Pour Ian Brossat, adjoint à la Ville de Paris chargé du logement, voir Airbnb condamné en tant qu'éditeur est "historique". "Jusqu'ici notre action a consisté à traquer les loueurs qui louent leur logement de manière illégale", via des contrôles effectués par une quarantaine d'agents municipaux.
"Mais la clé de la régulation, c'est de pouvoir responsabiliser les plateformes, et là on a enfin un jugement qui montre que c'est possible", se félicite-t-il.
"Il y a pas mal de fantasmes sur Airbnb (...) Paris est une destination touristique très importante qui souffre, je pense qu'il faut plutôt qu'on se mette tous ensemble autour de la table et qu'on travaille d'arrache-pied pour (la) redynamiser", a rétorqué Marill vendredi 12 juin.
Enfin, nouveau revers pour Airbnb : après avoir vu son activité laminée par la pandémie de COVID-19, la plateforme, qui devait entrer en Bourse en 2020 à une valeur estimée à plus de 30 milliards de dollars, a décidé de licencier un quart de ses 7.500 employés dans le monde.