Adapter les moustiquaires pour mieux combattre le paludisme

À la fois cause et conséquence de la pauvreté, le paludisme est la maladie parasitaire la plus répandue au monde : il tue entre un et 3 millions de personnes chaque année, dont 90% sur le seul continent africain. Il est dû à des parasites du genre Plasmodium transmis à l'homme par des moustiques de l'espèce Anopheles .

Pour se prémunir de ces derniers, les moustiquaires imprégnées d'insecticide demeurent le meilleur moyen de lutte. De précédentes études ont montré l'efficacité des campagnes de sensibilisation publique et des distributions gratuites de moustiquaires pour inciter les populations à s'en servir. Mais aucune évaluation de leur utilisation n'avait jusque à été effectuée sur le long terme. Or, les chercheurs de l'IRD et du Centre Muraz/Institut de Recherche en Sciences de la Santé (IRSS) viennent de montrer que cet effet positif s'estompait au bout de seulement quelques mois. Les causes de ce déclin ? Une utilité perçue comme limitée et les inconvénients que pose une utilisation quotidienne dans des espaces restreints, utilisés différemment le jour et la nuit.

Le paludisme est un problème de santé publique majeur qui touche entre 300 et 500 millions de personnes par an. Avec plus de 2 millions de décès enregistrés chaque année dont 90% en Afrique où il est la première cause de mortalité des enfants de zéro à 5 ans. Diversité génétique et biologique des moustiques vecteurs et des parasites transmis, absence de vaccin, émergence de résistances aux insecticides chez les vecteurs et aux traitements chez les parasites sont autant d'obstacles au recul de la maladie.

Promues par l'OMS, les moustiquaires imprégnées d'insecticide, procédé mis au point dans les années 1980 par des chercheurs de l'IRD et du Centre Muraz au Burkina Faso, ont déjà prouvé leur efficacité contre le principal vecteur du paludisme, les moustiques Anopheles. Leur efficacité est fortement liée à une utilisation correcte et assidue par les populations. De précédentes études ont montré que le niveau d'éducation, l'accès aux soins, le contexte économique et socioculturel influencent l'utilisation de la moustiquaire. D'autres études ont mis en évidence l'effet positif des campagnes de sensibilisation et de distributions gratuites. Mais l'impact de ces campagnes, à court ou long terme, n'avait jusque là jamais été évalué. Des chercheurs de l'IRD et du Centre Muraz/ Institut de Recherche en Sciences de la Santé (IRSS) du Burkina Faso viennent de montrer qu'elles ne garantissent pas l'usage des moustiquaires dans la durée.

En moins d'un an, une personne sur 3 arrête d'utiliser, les moustiquaires. C'est le constat de l'étude qu'ont menée pendant 3 ans les sociologues dans le village de Soumousso, une zone endémique au sud-ouest du Burkina Faso.Des moustiquaires ont été distribuées au début de la saison des pluies au mois de mai, à chacun des chefs de familles ainsi qu'à leurs épouses. L'équipe médicale a ensuite expliqué aux habitants ce qu'est le paludisme, comment il se transmet et le rôle crucial des moustiquaires. Elle a également souligné que la maladie pouvait être fatale.

Tout au long des 3 années de suivi, les chercheurs ont observé de jour comme de nuit, l'organisation de l'espace domestique après l'installation d'une moustiquaire, dans 200 maisons. Enfin, ils ont interviewé chaque mois une centaine d'hommes et de femmes de 15 à 60 ans. Au bout de 6 mois, un tiers des personnes qui avaient bénéficié d'une moustiquaire ne l'utilisait plus.

Adapter les moustiquaires à l'organisation de l'espace domestique. Il est alors apparu aux chercheurs qu'une utilisation quotidienne des moustiquaires est contraignante. En effet, les maisons sont constituées d'une ou 2 pièces. La journée, les nattes sont rangées le long d'un mur tandis que les ustensiles de cuisine, les condiments et la nourriture sont répartis dans la pièce. La nuit, les objets sont placés dans les coins et les nattes sont étalées au centre. Laisser la moustiquaire suspendue pendant la journée n'est donc pas aisé, d'autant qu'il y a des risques d'incendie avec le feu de cuisine.

L'organisation de l'espace la nuit répond à des règles sociales bien précises : tandis que les jeunes hommes dorment ensemble, les enfants en bas âge et les jeunes filles dorment près de leur mère. L'attribution des moustiquaires aux mem-bres les plus vulnérables de la famille (femmes enceintes, enfants de moins de 5 ans) peut donc perturber ces modèles sociaux.

Une maladie, plusieurs appellations

Les habitants du village de Soumousso utilisent plusieurs termes en dioula pour traduire le mot "paludisme", dont les manifestations renvoient à de nombreuses maladies dans leurs représentations : Sumaya, sumaya gwe, ou encore djakadjio sont les plus communs. Sumaya, par exemple, traduit en réalité un simple coup de froid avec lièvres et maux de tête, des symptômes courants du paludisme. Il y a également con-fusion sur les modes de transmission : selon l'acception locale, une personne peut contracter le sumaya suite à la piqûre d'une moustique mais aussi lorsqu'il fait froid, si l'on mange certains aliments, etc. Cependant, les personnes ayant été scolarisées savent que la maladie se transmet uniquement par la piqûre des femelles Anopheles.

Les moustiques ne sont donc pas considérés comme les seules causes du paludisme, et les habitants ne se sentent pas totalement protégés par les moustiquaires. Finalement, ils les utilisent plutôt contre la nuisance due aux insectes, et non contre la maladie.

Cette étude montre qu'une utilisation durable des moustiquaires imprégnées est beaucoup plus complexe que ce que les campagnes de sensibilisation avaient initialement prévu. Comprendre ce qui détermine le choix de se protéger ou non était essentiel pour mettre en place des mesures adaptées et encourager l'usage des moustiquaires sur le long terme. Ces travaux montrent qu'il est nécessaire de créer un cadre de discussion entre le personnel médical et la population et de rendre les moustiquaires plus pratiques à utiliser étant donné l'organisation des espaces domestiques.

IRD/CVN

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