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Des migrants dans des tentes igloo qui se multiplient le 27 octobre 2016 à Paris. |
Entre l'avenue de Flandres et les métros Jaurès et Stalingrad, les files devant les marmites des distributions de repas s'étirent inexorablement.
"Il y a trois jours, on distribuait 700 à 800 repas. Aujourd'hui, on est à plus de mille. Je ne sais pas comment on va faire", confie Charles Drane, un coordinateur de l'ONG Adventist Development and Relief Agency (Adra) qui distribue des repas le midi. Dommage collatéral du démantèlement de la "Jungle" de Calais?
"Beaucoup de migrants vont à Paris" en bus, par train ou en voiture, affirme à l'AFP une source policière.
Mais les autorités démentent catégoriquement. "Des contrôles ont été mis en place, sur les routes, sur les voies ferrées, et rien n'indique à ce stade qu'il y ait un afflux de migrants venus de Calais", a assuré le 28 octobre le préfet d'Ile de-France Jean-François Carenco.
"Difficile de dire d'où ils viennent mais une chose est sûre: ça grandit de manière inquiétante. Et il y a désormais des familles avec des enfants", souligne Violette Baranda, élue du XIXe arrondissement qui visite régulièrement ce "triangle des migrants" du nord-est parisien.
Les tentes, isolées à la hâte avec des bâches ou des couvertures de survie, s'entassent désormais sur plus de 700 mètres sur le terre-plein de l'avenue de Flandres, du linge sèche sur des fils tendus entre deux arbres, on discute sur une chaise de bureau à roulettes ou un fauteuil défoncé.
Sous le métro aérien place Stalingrad, une grande partie de l'espace a été grillagé après une évacuation policière mi-septembre. Mais le moindre bout de trottoir accessible est recouvert de dizaines de tentes.
Près de la station Jaurès, les tentes s'alignent sur le quai de Jemmapes, point de ralliement des Afghans.
La police attendue
Distribution de nourriture à des migrants rassemblés dans des camps de fortune le 27 octobre 2016 à Paris. |
"La police va venir bientôt?", interroge Wahidullah Karimi, 26 ans, ancien ingénieur dans l'énergie. À Paris depuis un mois, il attend avec quelques compatriotes afghans une évacuation "pour pouvoir dormir au chaud, qu'on nous sauve de cette situation".
Comme eux, un ex-soldat libyen de 25 ans rêve d'un lit et d'un toit. "La vie est difficile ici. Il fait froid, on mange et on s'habille avec ce qu'on nous donne, on se lave dans des douches publiques quand on peut... On ne veut pas passer notre vie comme ça, dans la rue", explique-t-il dans un français correct.
Certains ont replié leurs tentes vendredi matin en voyant arriver des cars de CRS. Mais leurs espoirs ont été douchés: il s'agissait d'une opération "de contrôle" de la situation administrative des occupants et de l'état sanitaire du campement, et non d'une évacuation avec "mises à l'abri".
Une évacuation aura lieu "dans les jours qui viennent", affirme-t-on à la Ville de Paris. Elle aura lieu "d'ici le 15 novembre, même peut-être avant", précise le préfet d'Ile-de-France.
Elle ouvrira la voie à l'ouverture du premier centre d'accueil humanitaire pour les migrants de la capitale, d'une capacité initiale de 400 lits.
Soudanais, Somaliens, Ethiopiens, Erythréens, Syriens, Libyens, Afghans... "Il y a tous les malheurs du monde ici", sourit Ibrahim Zakaria, originaire du Darfour soudanais.
Aucun des migrants interrogé par l'AFP n'a eu vent d'arrivées depuis la "Jungle" ces derniers jours. Plusieurs y sont déjà passés, comme Bokaloi, revenu il y a un mois après y avoir passé vingt jours. "À Calais, c'était pas bon, il y avait beaucoup de mafias. Ici, il n'y a pas de violence mais c'est quand même dur", confie cet Algérien, emitouflé dans un sac de couchage, sa capuche enfoncée sur la tête.
Un peu plus loin, un homme a mis son rêve par écrit sur l'arrière d'une tente: "No place like home" (rien de mieux que sa maison).