Une vue générale du centre culturel Usina del Arte à Buenos Aires. |
Construite sur commande de la Compagnie italo-argentine d’électricité entre 1914 et 1916 par l’architecte italien Giovanni Chiogna, dans un style évoquant la Lombardie, surmontée d’une tour, la veille usine en briques avait été presque oubliée au bord de l’autoroute qui mène à La Plata.
Mais en plein quartier populaire de La Boca, tout près de «La Bombonera», le stade mythique du club Boca Juniors, elle brille maintenant sous les feux des projecteurs et réunit le tout-Buenos Aires.
Au-dessus, un faisceau lumineux haut de 10 km de l’artiste japonais Ryoji Ikeda semble dire en pleine nuit toute la fierté de cette renaissance.
«C’est un espoir pour le Sud de Buenos Aires qui a souffert de décennies d’abandon», a dit le maire de la capitale Mauricio Macri (opposition, droite). «L’ensemble du gouvernement va quitter le centre et déménager dans le Sud», a-t-il promis, souhaitant voir à terme «un équilibre entre le Nord et le Sud».
Les quartiers résidentiels et cossus de Buenos Aires sont pratiquement tous au Nord, ceux du Sud faisant figure de déshérités, longtemps abandonnés par les autorités.
Cette stratégie de réhabilitation s’appuie sur une série de musées et espaces d’art récemment créés ou rénovés, comme la Fondation Proa à La Boca ou le Musée d’art moderne de Buenos Aires (Mamba) dans San Telmo, le quartier des antiquaires voisin.
Dans la salle symphonique du centre culturel Usina del Arte à Buenos Aires. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
«Ce grand foyer a quelque chose de la Tate Modern de Londres, mais il n’y aura pas que des arts visuels», a dit le secrétaire à la Culture de la ville, Hernan Lombardi.
Il parie sur le phénomène urbain d’embourgeoisement : la «gentrification», dit-il, prenant le mot anglais pour expliquer le processus par lequel le profil économique et social des habitants d’un quartier se transforme.
«Nous voulons apprendre de toutes les expériences», explique-t-il en annonçant l’arrivée prochaine de José-Manuel Gonçalvès, directeur du Cent Quatre, l’espace d’art parisien installé dans un ancien immeuble des Pompes Funèbres.
«Le mode de gestion sera clé», a-t-il assuré : ce projet a déjà nécessité 120 millions de pesos (21,5 millions d’euros) et l’on veut un cadre qui permette à son responsable, Ricardo Szwarcer, d’être efficace et libre à la fois.
Ancien directeur du Théâtre Colon, ancien directeur artistique de l’Opéra de Lille et du Festival Grec de Barcelone, cet Argentin de 64 ans semble heureux de retrouver son pays avec un projet aussi ambitieux.
«C’est un centre culturel du XXIe siècle», a-t-il résumé. «Un lieu changeant, un projet multiforme ouvert à tous les genres, irrévérencieux et sans préjugés : il y aura toutes les musiques, y compris l’électronique !».
«L’un de nos objectifs est le sauvetage des traditions populaires, comme le +fileteado+», a-t-il souligné en référence à un art décoratif né à Buenos Aires il y a un siècle dans des fabriques de charrettes avant de gagner les autobus. Il y aura des programmes pour associer la population du quartier d’origine modeste.
Derrière le directeur de l’Usine, des enfants s’accrochent à une fenêtre haut placée et restent suspendus dans le vide... Ils jouent sur «Le Bâtiment» (El Edificio), façade posée à même le sol qui se reflète en trompe-l’œil dans un miroir, œuvre de Leandro Erlich, Argentin de 39 ans, qui a déjà étonné à Paris. «Toute mon œuvre a un caractère participatif», dit-il. «L’art comme facteur d’intégration».
AFP/VNA/CVN