À 82 ans, «Bai» («Grand-père») Behcet, comme l’appellent les locaux, d’origine turque, est le plus âgé des gardiens de zoo de Bulgarie. Il a élevé plus de 15 lions en 33 ans de service et est le seul à être en contact direct avec ces prédateurs. Les deux petits de Raya, une lionne de six ans sont sa plus grande préoccupation. Les lionceaux, un mâle et une femelle, sont nés en septembre dernier et pèsent déjà plus de 50 kg.
Sec et énergique, Behcet Ali porte des seaux de pieds de poulet pour nourrir les lions. |
«Je ne leur ai pas encore donné de nom. Je les appelle «bébés» et ils comprennent», raconte le soigneur, caressant les animaux sur le dos et leur grattant l’arrière des oreilles, sous l’œil attentif de leur mère dans l’enclos voisin. «Pour devenir ami avec les animaux, comme avec les gens, il faut avoir le coup de main, il faut leur montrer que vous les aimez. Et si, parfois, les gens ne répondent pas toujours favorablement, un animal comprend toujours et vous répond avec gentillesse», assure-t-il.
Le père des lionceaux avait tué la première portée mais Raya est une maman très dévouée, raconte Bai Behcet, qui ajoute être certain qu’elle ne lui ferait pas de mal. L’opiniâtre octogénaire, qui travaillait dans une clinique vétérinaire de la région avant de rejoindre le zoo en 1979, a été attaqué par des lions ainsi que des ours, qu’il élevait aussi, mais dit qu’il n’a jamais eu peur des animaux.
Et il ne pense pas à la retraite, malgré les demandes répétées de sa famille : «Cela ne m’est jamais venu à l’esprit d’arrêter puisque ce serait la fin du zoo», explique-t-il.
Financé par des dons d’entreprise
«Les animaux me procurent de la joie, je suis heureux de pouvoir les élever. Que peut-on vouloir de plus ?», interroge Behcet Ali qui, outre les trois lions, s’occupe d’une douzaine d’autres animaux, lamas, chèvres, mouflons, pigeons, faisans, ratons laveurs, cochons d’Inde et un poney. Mais le manque de place -- souligné par le ministère de l’Environnement dans l’ensemble des onze zoos de Bulgarie -- a forcé le soigneur à céder son ours à une autre institution.
«Bai» («Grand-père») Behcet, caresse un lion sur la tête. |
Les fonds municipaux de cette petite ville, dont la population est ethniquement turque en majorité, sont maigres et l’entrée du zoo est gratuite. Malgré cela, le réfrigérateur de Bai Behcet est plein de viande et trois petites montagnes de pain rassis sont à l’abri dans une remise, résultat de dons d’entreprises locales : «Je récolte tout cela moi-même en allant en ville, en demandant, en convainquant les gens... sans argent», explique-t-il. Au fil des années, il a tenté de recruter plusieurs soigneurs, mais Bai Behcet a eu du mal à enseigner son métier peu conventionnel.
«Les gens sont habitués à avoir des horaires de travail. Moi pas. Et ma femme sait que quand je suis ici, c’est moi qui décide quand je rentre à la maison. Elle est fâchée, mais je suis comme ça, incontrôlable», dit-il en faisant un clin d’œil derrière ses épaisses lunettes.
Sec et énergique, il porte des seaux de pieds de poulet pour nourrir les lions et prend chaque jour sa moto pour venir au zoo, malgré un accident qui l’a rendu boiteux. Le dévouement de Behcet Ali pour sauver ce petit zoo fondé il y a 52 ans lui a valu en 2007 le titre de citoyen d’honneur de Razgrad.
«Tout le monde ici connaît et respecte Bai Behcet», indique Sultana Mehmet, accompagnée de ses deux petits-fils de 6 et 7 ans. «Où les enfants pourraient-ils sinon voir un lion ?», demande-t-elle.
AFP/VNA/CVN