À Bornéo, pour des soins médicaux bon marché, ils cessent les coupes de bois illégales

À Manjau, village isolé de Bornéo, en Indonésie, des gangs de bûcherons coupaient sans autorisation de vieux arbres de la forêt tropicale pour les revendre. Mais depuis peu, nombre d’entre eux ont cessé ces activités illégales en échange de soins médicaux et d’une reconversion.

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Une travailleuse prend soin des plants donnés par d’anciens bûcherons pour le traitement médical et le reboisement à Manjau, province du Kalimantan occidental, en Indonésie.

La proposition originale émane de l’ONG Alam Sehat Lestari (ASRI), spécialisée dans les problèmes de santé et d’environnement.

Son message aux bûcherons est simple : arrêtez de couper des arbres et vous aurez droit à des formations gratuites pour une nouvelle carrière en tant que garde forestier ou agriculteur. De plus, tout le village bénéficiera de réductions sur les soins médicaux à la clinique locale.

Dans l’ouest de la partie indonésienne de l’île de Bornéo, là où ce programme a été inauguré, les coupes de bois ont longtemps été un gagne-pain pour de nombreux pauvres. L’abattage d’arbres leur permettait de subvenir à toutes sortes de besoins, notamment les urgences de santé, comme c’était le cas pour Juliansyah, un père de deux enfants à Manjau.

Il suffisait de couper un seul chêne de Bornéo, un arbre rare à la croissance lente et très prisé pour la solidité de son bois, pour gagner des centaines de dollars. Une petite fortune pour ces villageois, dans un pays où près de 40% de la population vit avec moins de deux dollars par jour.

Mais au final, Juliansyah ne trouvait pas son compte dans cette coupe illégale du bois, une tâche dangereuse et fatigante, nécessitant de passer des journées entières en forêt : à peine l’argent était-il gagné qu’il était dépensé en soins médicaux et pour d’autres besoins, raconte-t-il.

«Un jour vous êtes récompensé, et le lendemain il n’y a plus rien. Vous ne pouvez rien économiser», explique cet homme d’une trentaine d’années aux abords du Parc national Gunung Palung.

Les «villages verts»

Les coupes de bois sont interdites dans ce parc, un habitat crucial pour les orangs-outans, espèce en danger, ainsi que pour les ours malais et les oiseaux de la forêt tropicale du sud de Bornéo. Cette immense île à la grande biodiversité est partagée entre l’Indonésie, la Malaisie et Brunei.

Sur les 24 villages entourant le Parc de Gunung, 23 ont accepté d’abandonner les tronçonneuses contre des soins médicaux bon marché, observe Kinari Webb, co-fondatrice de l’ONG. Depuis 2007, année où ASRI a commencé à coopérer avec ces villages, le nombre de familles de bûcherons est passé de 1.400 à 180.

Une nouvelle forêt à partir des restes d’arbres morts à Manjau, province du Kalimantan occidental, en Indonésie.

La destruction rampante de la forêt tropicale qu’a connue Mme Webb en arrivant dans l’ouest de Bornéo il y a 22 ans a considérablement reculé depuis. «Il n’y avait quasiment pas une seule journée où on ne pouvait pas entendre une tronçonneuse dans cette forêt», raconte-t-elle. «Maintenant, il arrive parfois qu’on entende une tronçonneuse, mais cela n’a plus rien à voir».

La clinique, où des patients regardent des vidéos sur la préservation de la forêt dans la salle d’attente, est devenue le principal centre de soins pour 60.000 habitants vivant le long du Parc Gunung Palung. Près de 7.300 villageois ont reçu un traitement médical à la clinique en 2015. Mais ils seront sans doute bien plus nombreux à l’hôpital moderne qui va ouvrir en octobre.

Les «villages verts», c’est-à-dire ceux qui arrêtent totalement les coupes de bois illégales, obtiennent des réductions de 70% sur le coût de leur traitement médical. Les villages jaunes ou rouges, en passe de cesser cet abattage d’arbres, perçoivent selon l’état d’avancement du projet entre 30 et 50% de réduction.

Ceux qui ne peuvent pas se permettre des soins, même à tarif réduit, peuvent compenser le coût en ramassant des graines d’arbre pour replanter la forêt dégradée, observe Farida, qui gère une pépinière où poussent de jeunes arbres, à la périphérie de Sukadana.

Soutiens des ONG

Le programme a retenu l’attention d’organisations de préservation de la nature. En avril, Hotlin Ompusunggu, médecin et cofondateur d’ASRI, a ainsi remporté un prix de 50.000 livres (58.000 euros) octroyé par l’ONG Whitley Fund for Nature, qui servira à développer le projet en Indonésie.

Un deuxième site de soins créé par ASRI devait ouvrir ses portes en janvier dans une autre région du pays. Des communautés sur les îles des Célèbes et de Sumatra, ainsi que dans l’est de la Papouasie, dépendantes d’activités illégales telles que la collecte sauvage de minerais et la pêche à la dynamite, ont été ciblées. Mais le programme de l’ONG n’est pas à l’abri de revers. Des coupes illégales ont ainsi été constatées en juin dans le village de Juliansyah, selon des images satellites observées par des gardes-forestiers.

En conséquence, la commune va être rétrogradée dans la catégorie jaune, mais aura toujours la possibilité de retrouver la première catégorie, explique Fransiscus Xaverius, qui supervise les projets de reforestation autour de Gunung Palung. «Le travail de préservation à Bornéo est un véritable défi».


AFP/VNA/CVN

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