"Nous pensons que le problème de la déforestation est avant tout humain", affirme Togu Simorangkir, le directeur de la fondation Yayorin (Yayasa Orangutan Indonesia), implantée dans la ville de Pangkalan Bun. "C'est pour cela que 80% de notre programme est axé sur l'éducation. Le message qui consiste à dire : +arrêtez de couper les arbres+ ne suffit pas. Il faut expliquer les conséquences sur le court et le long terme", ajoute ce biologiste de 32 ans.
Yayorin a été créée en 1991, alors que la fièvre de l'huile de palme commençait à saisir l'île de Bornéo, l'une des régions au monde les plus riches pour la biodiversité. À la fin 2008, plus de 15.000 ha de forêt communautaire du centre de Kalimantan, la partie indonésienne de l'île, ont encore été vendus à des plantations d'huile de palme, mena-çant ainsi les moyens d'existence de 2.500 personnes. "Nous avons entendu des témoignages effrayants", raconte Daryatmo, le chef du village de Tumbang Tura. "Nos voisins ne peuvent plus cultiver le rotin ou récolter le caoutchouc. La pêche est devenue impossible car la rivière est polluée. Ce sont pourtant nos principales sources de revenus. Qu'allons-nous laisser en héritage à nos petits- enfants?", s'alarme-t-il.
Les indigènes disent se sentir impuissants et mal armés face à la puissance des industriels et des anciens trafiquants du bois reconvertis dans l'huile de palme.
L'association Yayorin veut donc être à leur côté pour "les dissuader de vendre leurs terres", explique Togu Sinorangkir. "L'an dernier, une plantation a offert à un village 2 milliards de roupies (environ 2.000 dollars) pour exploiter son sol. Chaque famille avait calculé que cela lui rapporterait 30 millions. Les autorités du village nous ont demandé conseil. Nous leur avons expliqué les conséquences pour l'environnement à moyen terme. Malgré l'appât du gain, elles ont fini par refuser ce projet".
Pour compenser la perte pécuniaire, Yayorin transmet aux villageois de nouvelles techniques pour qu'ils tirent davantage de revenus de l'agriculture, jusqu'à présent de subsistance.
À Pangkalan Bun, est ainsi cultivé un jardin organique où les chefs de village sont invités pour s'initier à des méthodes jusque-là ignorées : parquer les bêtes pour récolter leurs déchets, fabriquer du compost ou semer sur des sols sablonneux.
Les actions de Yayorin ciblent aussi les écoliers, avec des ateliers ludiques, les entreprises, les plantations et les institutions gouvernementales. Mais ces initiatives suffiront-elles à sauver la forêt primaire de Bornéo et son symbole, l'orang-outan? L'île en compterait environ 40.000 individus mais 98% d'entre eux pourraient disparaître dans les 15 prochaines années, selon l'ONU. "Leur avenir se joue dans le Nord de la région de Kalimantan Centre, jusqu'à présent préservé. La ceinture formée par les plantations de palmes ne doit pas s'étendre plus au nord", explique Stephen Brend, biologiste à la Orang-outan Foundation International.
Il se félicite que la mobilisation pour sauver le grand singe roux commence à porter ses fruits : "les plantations s'étendent mais les zones de protection aussi". À Pangkalan Bun, Togu Sinorangki garde espoir car "les mentalités évoluent doucement".
AFP/VNA/CVN