À Autun, l’espoir renaît de parvenir à décrypter un «puzzle infernal»

Reconstituer un texte antique éclaté en 1.200 fragments de marbre, c’est le défi que se sont lancés des chercheurs pour enfin percer le secret de ce «puzzle infernal», qui perdure depuis sa découverte à Autun au XIXe siècle.

Antony Hostein, historien et directeur de recherches, l’affirme : cette plaque renferme «une inscription exceptionnelle, unique en Gaule». En 1839, lors de travaux dans la cave d’une auberge, à Autun (Saône-et-Loire), des ouvriers avaient découvert une grande quantité de fragments de marbre portant des inscriptions latines.

Ancienne capitale gallo-romaine des Eduens fondée sous le règne de l’empereur Auguste (-27 à 14 ap. J-C), Augustodunum, aujourd’hui Autun, renferme de nombreux vestiges gallo-romains, dont le temple «de Janus». La découverte suscite donc l’intérêt d’une société savante, qui prélève les vestiges, avant de mettre au jour, sept ans plus tard, de nouveaux petits morceaux de marbre.

Au total, l’inscription est brisée en plus de 1.200 fragments de tailles diverses, de l’éclat à une paume de main, et rares sont les mots qui apparaissent en entier. Si le texte n’a jamais été encore traduit, plusieurs indices permettent au chercheur d’assurer qu’il s’agit «d’un des textes les plus importants de la Gaule du Nord». D’abord, la qualité du marbre utilisé : un marbre de Grèce, «le même que pour le Parthénon» à Athènes.

Puis la série des noms d’empereurs romains - Caesar, Tiberius - qui ont pu être devinés sur certains fragments et qui laissent penser que l’inscription serait de nature juridique. «On a des noms qui nous ramènent à des familles importantes, comme +Messala+, et des mots comme +provincia+ (province), +heredes+ (héritier) et +iure+ (en vertu du droit)», explique le chercheur.

Selon lui, au regard de son état de conservation, on peut déduire que la plaque se trouvait dans un lieu protégé et monumental, «soit un temple dédié à l’empereur, soit un monument clé du forum».

Numérisation au laser

Depuis le XIXe siècle, faute d’avoir pu être déchiffrés, les fragments étaient tombés dans l’oubli, dormant dans les réserves du centre archéologique d’Autun.

«Avec la simple force de l’esprit, on ne peut pas connecter l’ensemble des fragments», affirme M. Hostein. Les historiens se sont alors rapproché de l’IUT du Creusot (Saône-et-Loire) pour concevoir un outil de numérisation et un logiciel capables de faciliter la reconstitution de ce puzzle.

Remparts gallo-romain d'Autun.

Pour chaque fragment, «le but est de scanner le profil pendant qu’une caméra enregistre la face», explique Olivier Laligant, professeur en traitement des images, en montrant un laser vert qui enregistre le contour de la pièce, posée sur un plateau tournant automatisé.

Autre avantage de la numérisation : la préservation des fragments qui seront ainsi moins manipulés.

L’équipe finalise le logiciel, qui actuellement «parvient à assembler les morceaux connus». «Il faut rendre l’algorythme plus souple pour qu’il aille chercher d’autres fragments ayant des faces en commun et ainsi étendre l’assemblage», ajoute le professeur.

Une fois l’algorythme «au point», l’équipe procédera à une campagne de mesures de «deux semaines» pour scanner l’ensemble des fragments.

Un projet de longue haleine

Ce protocole intéresse déjà des chercheurs de l’université de Naples, confrontés à une liste en grec des vainqueurs des Jeux, également éparpillée en un millier de pièces.

Maître de conférences en archéologie à l’université Paris-IV, Emmanuelle Rosso réfléchit également à une collaboration avec l’équipe d’Antony Hostein pour réaliser des collages, «de manière virtuelle», de fragments sculptés du mur de scène du théâtre gallo-romain d’Orange (Vaucluse).

À Autun, cette inscription comportant des «décrets impériaux» va témoigner encore davantage du «rôle majeur» de la ville dans la Gaule, estime le conservateur du musée Rolin, Brigitte Maurice-Chabard, qui ajoute : «On aimerait montrer en quoi Autun était exceptionnelle, en utilisant peut-être une restitution numérique, car le visiteur n’en a pas la perception actuellement».

Mais la reconstitution du puzzle est un «projet de longue haleine», nécessitant «au moins un an de tests», tempère M. Hostein.

AFP/VNA/CVN

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