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Disposées au quatre coin du bureau, des photos du roi du Cambodge, de la vice-présidente de la République du Vietnam ou encore de la fête de la Francophonie à Luang Prabang (Laos). Autant de clichés qui illustrent les rencontres qui ont ponctué les quatre années qu’Anissa Barrak a passées aux commandes du Bureau régional pour l’Asie et le Pacifique de l’Organisation internationale de la Francophonie (BRAP), à Hanoi. À la veille de son départ, la Tunisienne revient sur son mandat au Vietnam.
La première fois que vous vous êtes assise derrière votre bureau de directrice, quelle pensée vous a traversé l’esprit ?
Je m’en souviens très bien car je suis arrivée dans un immense bureau, qui semblait correspondre au gigantisme de la zone couverte par le BRAP. Il fallait trouver des repères, vite. C’était un peu l’inconnu, j’avais même le sentiment d’être un peu perdue. Cette impression était doublée d’une curiosité envers des cultures que je n’avais pas eu l’occasion d’approcher auparavant.
Anissa Barrak quitte son poste de directrice du Bureau régional pour l’Asie et le Pacifique de l’Organisation internationale de la Francophonie fin mai. Elle va retourner en Tunisie, son pays d’origine, après trente ans d’expatriation |
Photo : Angélique/CVN |
Partez-vous avec le sentiment d’avoir accompli votre mission ?
Je pense que je l’ai accomplie le plus professionnellement possible et, dans tous les cas, avec passion. J’ai apporté ma pierre, en faisant bénéficier le Bureau régional de la dynamique de réforme et de rénovation de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). La contribution de toute l’équipe du BRAP a été essentielle. Je crois qu’ils se sont enrichis de cette expérience.
Comment l’usage de la langue française en Asie du Sud-Est a-t-il évolué depuis votre arrivée au BRAP, en septembre 2011 ?
Nous sommes engagés dans l’affirmation de la qualité de l’enseignement et de la pratique du français. Un mouvement ascendant, certes très modeste, est perceptible dans certains pays. En 2013, nous avons créé pour la première fois, au Vietnam, une formation des diplomates au et en français des relations internationales. Si nous assistons à la disparition de quelques titres de presse imprimés, on remarque, au contraire, une augmentation des médias en ligne en français. Le rapport mondial sur la langue française a également montré la hausse du nombre d’apprenants du français, langue étrangère dans plusieurs pays de la région. Selon le rapport d’activité 2012-2013 de l’Institut français, le nombre de leurs étudiants a augmenté de 33% au Laos et de 19% au Cambodge. Depuis 2010, en Asie et en Océanie, le nombre d’apprenants du français langue étrangère s’est accru de 43%.
Reste que seul 1,17% des francophones du monde vivent en Asie-Pacifique. Avez-vous parfois eu l’impression d’être relégué au rang de bureau de «seconde zone» ?
Il est vrai que c’est une région où le défi à relever est plus difficile que là où le nombre de locuteurs et l’environnement francophone sont plus forts. Mais cette région apporte une richesse multiforme à la francophonie. À mon avis, il serait aussi plus significatif d’évaluer la proportion de francophones parmi les élites dans cette région, car l’usage des langues étrangères dans la population globale reste marginal. L’Asie-Pacifique est un océan de diversité linguistique, y compris à l’intérieur d’un même pays. La Francophonie ne se positionne pas en concurrence avec les autres langues, elle ne cherche pas à faire du «chiffre» dans l’absolu, mais entend affirmer la place et l’utilité du français comme langue internationale. Les cinq États de la région qui appartiennent à l’OIF sont engagés dans la dynamique francophone, car ils sont conscients de sa valeur ajoutée au regard de leurs objectifs d’intégration régionale et internationale, que ce soit sur le plan politique ou économique.
Anissa Barrak coupe un gâteau de 20 m, cuisiné à l’occasion des activités qui étaient organisées dans le cadre de la Journée internationale de la Francophonie (20 mars), à l’Université de Hanoi, en 2013. |
Qu’en est-il des jeunes ?
Il faut reconnaître que la majorité des jeunes n’est pas forcément attirée par le français. Ils choisissent généralement une seule langue étrangère, surtout lorsque dans leur pays, le système éducatif n’impose l’enseignement que d’une seule d’entre elles. Or, il est admis que dans le contexte de mondialisation, deux langues étrangères – au minimum – favorisent la réussite dans les études et la construction d’un avenir professionnel de qualité.
Quel projet a été le plus significatif pour vous durant votre mandat ?
Ces quatre années ont été ponctuées de nombreux moments forts. Chaque visite d’un établissement scolaire, chaque contact avec les jeunes francophones et les enseignants a été un moment de bonheur. Ce bonheur a été partagé avec Abdou Diouf, le secrétaire général de de la Francophonie, en 2014, lors de sa visite officielle au Vietnam. Il a été à la rencontre des jeunes à l’Université de Hanoi.
Les spectacles des artistes d’appartenances culturelles multiples sur la scène de l’Opéra de Hanoi avec des artistes vietnamiens et d’autres nationalités, à l’occasion de la Journée internationale de la Francophonie, sont aussi inoubliables. La Congolaise Maryse Ngalula en 2012, le Burkinabé Alif Naba en 2014 et le Haïtien Jean Jean Roosvelt en 2015. La dimension culturelle était également présente dans le domaine économique. On a pu en prendre la mesure lors du Forum économique francophone, qui a réuni, en 2014, près de 200 opérateurs et experts de la région et de tout l’espace francophone.
Peut-on dire qu’en quatre ans, la Francophonie en Asie du Sud-Est a un nouveau visage ?
Nous nous sommes efforcés de faire connaître le vrai visage de la Francophonie, de lever des préjugés, de rectifier une image qui ne correspondait pas à ce que nous sommes réellement. Mais le chemin reste long. Nous devons mieux nous faire connaître auprès des médias, des décideurs, dans les milieux diplomatiques. Nous avons à notre avantage une Francophonie qui a gagné en crédibilité. Elle est reconnue comme un acteur à part entière des relations internationales. Ses actions parlent pour elle.
Le directeur général de l’Agence Vietnamienne d’Information, Nguyên Duc Loi, a remis, le 25 septembre 2014, l’Insigne «Pour l’œuvre de développement de l’Agence Vietnamienne d’Information» à Anissa Barrak. |
Photo : Truong Trân/CVN |
Un de ces médias est Le Courrier du Vietnam…
Certainement. C’est un outil de rayonnement et en même temps une illustration de ce que peut être la valeur ajoutée de la Francophonie. C’est aussi la preuve que la langue française a toute sa place dans ce pays, qu’elle est reconnue sur le plan officiel et qu’elle dispose de son propre lectorat.
Le Courrier du Vietnam peut-il envisager l’avenir sereinement ?
Il a une assise sûre. Le journal fait partie du dispositif de communication et d’information du Vietnam au sein de l’Agence Vietnamienne d’Information. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas une dimension autonome dans l’organisation de sa rédaction, dans les sujets qui y sont traités. Par son professionnalisme et son ouverture sur les cultures et les valeurs de la Francophonie, l’équipe du Courrier du Vietnam enrichit ce dispositif.
Quels sont vos projets pour la suite ?
Je me prépare à me réinstaller en Tunisie, après trente ans d’expatriation. Il me faudra donc un peu de temps pour reprendre mes marques, même si j’ai toujours été en contact très étroit avec mes proches et ai suivi de très près l’évolution de mon pays. Je vais aussi cultiver mon jardin, dans le sens premier du terme. Je n’exclus pas des activités au sein de la société civile. Il me plairait, par exemple, d’accompagner des jeunes dans des projets culturels, créatifs, industriels. Ou les trois à la fois.