Vu Nhu Quynh et son choix osé pour la céramique

Vu Nhu Quynh est la talentueuse descendante de quatre générations de producteurs de céramique à Bát Tràng, Hanoï. Elle a su insuffler un nouveau souffle à son enseigne en se lançant dans une technique particulière : la 3D.

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L’artisane Vu Nhu Quynh au travail.

Née en 1986, Vu Nhu Quynh dirige actuellement la Sarl de céramique Van An Lôc, basée dans son village natal de Bát Tràng, en banlieue de Hanoï. Cette enseigne de luxe compte cinq boutiques à Bát Tràng et des dizaines d’agents sur l’ensemble du pays. L’entreprise de Quynh a créé près de 200 emplois réguliers avec un salaire mensuel variant entre 6 millions et 30 millions de dôngs, selon le poste.

Une enfance baignée dans l’argile

Issue d’une famille qui met la main à la pâte depuis quatre générations, Quynh raconte qu’elle "a grandi dans le parfum de l’argile". Elle a toujours vu son entourage, que ce soit ses parents ou ses proches, pratiquer cet artisanat ancestral. Cependant, après le bac, la fille s’intéresse à la mode et entre au Département de design de mode de l’Université des beaux-arts industriels de Hanoï. Rêvant de devenir styliste de mode, elle ouvre en 2009 un atelier de couture dans le village de la céramique de Bát Tràng, dès sa sortie de l’école.

"À cette époque-là, j’avais une grande passion pour la mode. Mais ce n’était pas le bon moment. J’avais appris le design des robes et vestes, mais à l’époque, à Bát Tràng, peu de gens les portaient", confie-t-elle. Alors, après quatre ans, Quynh se rend compte que le milieu de la mode n’est pas fait pour elle et que, quoiqu’il en soit, son destin reste lié à la céramique. Elle se tourne donc vers le métier familial en 2013. Soutenue par ses parents et son mari, Quynh ouvre une petite boutique au marché de la céramique de Bát Tràng.

L’une des créations de Vu Nhu Quynh.

"À l’université, j’avais acquis des connaissances de base des beaux-arts sur la forme, les couleurs et le design, notamment. Cela m’a permis de les appliquer dans le métier et valoriser mon sens créatif", partage-t-elle. Quynh s’aperçoit rapidement que les céramiques traditionnelles à émail craquelé sont les plus prisées. Elle juge cependant que les motifs généralement proposés sont quelques peu monotones et guère variés. "Pourquoi ne pas créer des produits originaux à base d’émail craquelé traditionnel ?", se demande-t-elle.

Après avoir dévoilé à ses parents l’idée de réaliser des modelages 3D comme motifs extérieurs, elle ne reçoit pas le soutien attendu de ces artisans chevronnés qui, extrêmement conservateurs, ne désirent pas changer leur technique de confection traditionnelle. Ils lui disent que le modelage 3D sur les céramiques "n’est pas un procédé réalisable". Quynh ne se décourage pas pour autant…

Idées audacieuses et enthousiasme sans bornes

Avec son mari, la jeune artisane décide d’entreprendre cette folle aventure en 2015. Avec une somme de près de 500 millions de dôngs (près de 20.000 euros), elle ouvre un atelier de production d’environ 200 m2. À ses débuts, accumulant les échecs, les produits sont jetés les uns après les autres à la poubelle. "Je ne sais pas si vous pouvez imaginer le nombre de produits défectueux dont j’ai dû me débarrasser pendant ces trois années d’expérimentation : plusieurs milliers !", estime-t-elle sur les pertes.

Chaque fois qu’un produit présente des défauts, Quynh note toutes les erreurs, que ce soit dans la technique de cuisson, le mélange de l’émail ou le choix des matières premières, afin d’en tirer les leçons. "La plus grande difficulté de cette technique est de faire en sorte que le modelage colle parfaitement à l’objet pour en garantir la finesse. Je m’intéresse également à la couleur du produit qui doit être en harmonie avec l’ensemble de la texture", explique-t-elle.

Quynh choisit le lôc bình pour commencer son projet et mettre en avant sa créativité. Il s’agit d’un vase géant et ventru au col évasé, symbolisant la chance. On préfère les acquérir par paire à des fins décoratives, particulièrement pour le salon.

Des "lôc binh" de l'enseigne Van An Lôc avec des motifs 3D.

En 2018, Quynh sort enfin ses premiers produits avec succès. Elle a notamment réussi le tour de force de créer, durant le modelage, différents blocs sombres et clairs sur les motifs en relief afin d’obtenir des effets visuels 3D très expressifs. De plus, l’émail craquelé produit à base de matières premières naturelles offre des couleurs plus vivantes.

L’artisane introduit même le sertissage d’or des motifs. Toutes les étapes sont faites main. Certains grands vases nécessitant six mois de travail avant d’être achevés, la valeur de ses produits a ainsi beaucoup augmenté. Par exemple, un lôc bình de l’enseigne Van An Lôc peut coûter quelques centaines de millions de dôngs, voire grimper à un milliard pour les plus grands.

"Dans l’avenir, je souhaite présenter mes produits à l’étranger. Je veux montrer que les artisans vietnamiens peuvent fabriquer des céramiques appréciées tant pour leur qualité, leur valeur que leur finesse", conclut-elle.


Texte et photos : Linh Thao - Thành Trung/CVN

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