>>Uber admet 6.000 agressions sexuelles en deux ans aux États-Unis
>>Les Nobel de la paix lancent un SOS pour les victimes de violences sexuelles
>>Marches féministes en Europe contre les violences sexistes et sexuelles
>>Le Nobel de la paix à deux héros de la lutte contre les violences sexuelles
Sarah Abitbol et son partenaire. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Au lendemain du bras de fer initié par la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, qui a exigé la démission du patron du patinage français Didier Gailhaguet, le parquet de Paris a annoncé mardi 4 février l'ouverture d'une enquête pour viols et agressions sexuelles sur mineurs par personne ayant autorité sur la victime.
Dans la soirée, Gailhaguet, président de la Fédération française des sports de glace depuis 1998, sauf la parenthèse 2004-2007, a prévenu qu'il ne prendrait aucune décision sur une éventuelle démission avant la fin de l'inspection administrative diligentée la veille par la ministre. Il a donné rendez-vous mercredi 5 février aux journalistes, pour une conférence de presse où il promet des révélations pour se défendre, "documents" à l'appui.
Le scandale a éclaté avec la publication jeudi 30 janvier d'un livre témoignage de celle qui fut dix fois championne de France de patinage artistique en couple, multimédaillée européenne et mondiale en couple. Dans Un si long silence (éditions Plon), Sarah Abitbol dénonce des faits qui se seraient produits entre 1990 et 1992, une période en principe couverte par la prescription, alors qu'elle était âgée de 15 à 17 ans.
Dans un communiqué, le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, a précisé que les investigations, confiées à la brigade des mineurs, "s'attacheront à identifier toutes autres victimes ayant pu subir, dans le contexte décrit, des infractions de même nature", au-delà des faits évoqués dans cet ouvrage.
"Signal fort"
"Je suis contente, je suis soulagée. Cette prise de parole enfin commence à porter ses fruits", a réagi Sarah Abitbol sur BFM TV. "Je suis émue, car c'est 30 ans de combat", a-t-elle ajouté.
Roxana Maracineanu a salué sur Twitter un "signal fort".
Vendredi, Gilles Beyer, 62 ans, a reconnu, dans une déclaration écrite, "des relations intimes" et "inappropriées" avec Sarah Abitbol, lui présentant des "excuses" que cette dernière a refusées.
D'autres anciennes patineuses ont émis des accusations contre Gilles Beyer et d'autres entraîneurs. Hélène Godard a ainsi accusé, dans L'Equipe et L'Obs, Gilles Beyer d'avoir eu des rapports sexuels avec elle à la fin des années 1970, alors qu'elle avait 13 et 14 ans.
Très vite, l'affaire s'est déplacée sur le terrain de l'omerta qui peut régner dans des clubs ou des institutions sportives sur les violences sexuelles.
Au début des années 2000, sur la base d'un signalement de parents, Gilles Beyer avait fait l'objet d'une enquête judiciaire qui n'a pas abouti, puis d'une enquête administrative, qui a conduit le ministère des Sports à mettre fin à ses fonctions de cadre d'État, le 31 mars 2001.
"Dysfonctionnement général"
Malgré cette mise à l'écart, Gilles Beyer a poursuivi sa carrière dans son club d'origine, les Français volants, présidé par son frère Alain, jusqu'à son éviction vendredi 31 janvier, et a effectué plusieurs mandats au Bureau exécutif de la Fédération française des sports de glace (FFSG) jusqu'en 2018. Dans les années 2010, il a organisé plusieurs tournées de gala de l'équipe de France de patinage artistique.
Roxana Maracineanu, qui se veut en première ligne sur le sujet, a fustigé lundi 3 février un "dysfonctionnement général" au sein de la fédération, et après avoir reçu en entretien Didier Gailhaguet pendant une heure. Elle lui a demandé de démissionner, menaçant aussi de retirer la délégation de l'État à la FFSG. Un acte fort face à celui qui préside aux destinées du patinage français depuis 1998, à l'exception d'une parenthèse de 2004 à 2007.
Mais Gailhaguet, 66 ans, a immédiatement contre-attaqué, accusant sa prédécesseure en poste à l'époque au ministère, Marie-George Buffet, d'avoir permis le retour de Beyer dans le circuit.
L'enquête administrative, dont l'AFP a eu connaissance, montre en tout cas que c'est à Gailhaguet que des parents se sont adressés par courrier manuscrit, le 8 février 2000, pour dénoncer l'attitude de Gilles Beyer auprès de leur fille, alors âgée de 17 ans.
Mardi 4 février, le ministère de l'Éducation nationale a aussi précisé que Beyer "n'a jamais été devant les élèves" après l'enquête administrative, répondant à d'autres allégations de Gailhaguet. Selon lui, l'entraîneur avait été "(remis) à disposition de l'Éducation nationale, là où il y a le plus de mineurs au mètre carré, dans des lycées où se trouvent même des patineurs".