M. Hào a une clientèle fidèle. |
À 16h00 chaque jour, Luu Van Hào entame sa tournée dans le quartier Hoàn Kiêm, au cœur de la capitale. À la différence d’autres vendeurs ambulants qui utilise leur voix, ce septuagénaire signale sa présence avec le cliquetis d’une paire de ciseaux. À ce signal, ses clients habituels l’attendent sur le pas de leur porte pour acheter une assiette de nôm. Depuis 30 ans, la journée de travail de M. Hào se termine vers une ou deux heures du matin.
Ses clients l’appellent «Monsieur nôm» voire «Docteur nôm» ! Chaque fois qu’un client veut sa salade, M. Hào s’arrête, prépare une assiette et attend qu’il ait finit. Puis, il remonte sur son vélo équipé d’une grosse boîte en fer.
De la honte à la fierté
Tous les jours, vers 07h00 du matin, M. Hào et sa femme, Dung, commencent à préparer les ingrédients qu’ils ont achetés lors des courses réalisées depuis... 04h00. Dans une petite cour de sa maison située dans une petite ruelle de la rue Lo Su, Mme Dung est en train de frire la viande de bœuf et de laver les herbes odoriférantes. Son mari, quant à lui, râpe dix kilos de papaye verte. Tout est terminé vers midi pour que M. Hào fasse deux bonnes heures de sieste avant d’enfourcher son vélo et de partir vers le vieux quartier où l’attendent ses clients fidèles.
Le septuagénaire Luu Van Hào est vendeur ambulant de nôm depuis 30 ans. |
Photo : Thê Linh/CVN |
Tout en préparant une assiette de nôm, il raconte son histoire. En 1972, lors d’une compression de personnel à l’Hôpital central de tuberculose, il a perdu son travail. «Comment faire pour nourrir ma famille maintenant ?», s’est-il alors demandé. Sa province natale, Hà Nam, est connue pour les articles de broderie, le nôm et les bonbons. Son père a exercé le métier de vendeur de nôm en déménageant à Hanoi. À cette époque, le nôm était une collation populaire, pour toutes les catégories sociales, riches comme pauvres. Et c’est ainsi qu’il s’est lancé dans les traces de son père, sans réelle conviction il faut bien l’avouer.
Autrefois fonctionnaire, maintenant vendeur ambulant. «Au début j’étais un peu honteux de ce que je considérais comme une régression et je ne passais jamais dans la rue Hàng Duong où j’habitais. Quelques années plus tard, quand j’ai commencé à vivre de ce métier, j’ai retrouvé confiance en moi».
Assurer l’hygiène alimentaire
Les premiers jours, il s’est plusieurs fois coupé en râpant la papaye. Alors, il a créé des «outils» pour protéger ses doigts : des tubes en caoutchouc qu’il enfile.
Pour conserver ses papayes, M. Hào les met au frigo. La viande de bœuf est cuite à l’eau puis marinée et rissolée. «Le plus important, c’est d’assurer l’hygiène alimentaire, puis le marinage», insiste-t-il.
Exerçant ce métier depuis 30 ans, M. Hào a ses clients fidèles et des gains quotidiens stables. Il vend chaque jour 10 kg de papayes vertes et 20 kg de viande de bœuf. Une assiette de nôm se vend 30.000 dôngs. Pour un profit quotidien de plus d’un million, il doit travailler 15 heures par jour.
En 30 ans, personne n’a été malade à cause de son nôm. Une aubaine, car le «bouche à oreille» va vite sous ces latitudes... À deux reprises seulement, des clients sont partis sans payer. L’un d’entre eux était un écolier. Un jour, il est revenu le voir avec sa petite amie et a payé sa dette.
«Je me souviendrai toujours d’un +Viêt kiêu+ de France âgé. Après avoir mangé le nôm, il m’a payé en me donnant l’argent des deux mains. Il m’a dit qu’il n’avait pas goûté cette saveur depuis très longtemps», raconte M. Hào. «Quand il est retourné en France, il m’a acheté dix assiettes de nôm pour offrir à ses amis. Après, il m’a même envoyé une lettre et m’a raconté qu’un de ses amis avait pleuré en mangeant mon nôm car ce plat lui a rappelé Hanoi».
Bien qu’il n’ait plus besoin financièrement parlant de vendre son nôm, M. Hào continue. Malgré son âge, il n’a pas recruté d’aides car il veut s’assurer de la qualité de sa salade. Son fils cadet souhaite reprendre le flambeau, mais pas à vélo ! Son souhait : ouvrir un petit restaurant. «Je suis fier de mon métier», a conclu M. Hào.
Hà Minh/CVN