Vendanges en Champagne : la filière sous pression pour préserver sa réputation

Recruter et héberger 120.000 saisonniers pour vendanger 34.000 ha de vignes à la main : la campagne 2024 est un défi pour la filière Champagne, mobilisée pour protéger sa réputation ébranlée en 2023 par la fermeture d'hébergements indignes et la mort de quatre vendangeurs.

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Des vendangeurs récoltent du raisin dans un vignoble de Hautvillers, en Champagne, le 16 septembre 2024.
Photo : AFP/VNA/CVN

"Bonjour, nous venons vous informer sur vos droits" : à Igny-Comblizy, petit village de la Marne, la CGT distribue des tracts aux abords des vignes aux saisonniers venus d'Europe de l'Est.

Depuis le début des vendanges le 7 septembre, le syndicat sillonne les communes de l'appellation à bord de son camion rouge.

Son tract, disponible en huit langues (polonais, bulgare, russe, ukrainien, espagnol, italien, roumain, français) rappelle le salaire horaire minimum, le nombre maximum d'heures de travail, les pauses obligatoires...

Sur cette même parcelle de pinot noir, des salariés de la maison de Champagne Veuve Clicquot contrôlent leur prestataire chargé d'organiser la cueillette.

En 2023, la préfecture de la Marne a fermé trois hébergements collectifs de vendangeurs jugés "insalubres" et "indignes". "Des agisseurs voyous qui ont menacé l'image de la Champagne", condamne le coprésident du Comité Champagne, David Chatillon.

Après ces fermetures, deux enquêtes ont été ouvertes par le parquet de Châlons-en-Champagne pour "traite d'être humains". Une société de prestation de services et sa gérante comparaitront le 26 mars 2025, la seconde enquête est toujours en cours.

La même année, quatre saisonniers sont décédés dans un contexte de fortes chaleurs.

"Normes trop dures"

Un vendangeur dans un vignoble de Hautvillers, en Champagne, le 16 septembre 2024.
Photo : AFP/VNA/CVN

"Nous avons sonné la mobilisation générale de toute la filière", assure le président du syndicat des vignerons, Maxime Toubart.

L'hébergement est l'un des enjeux centraux, explique José Blanco, secrétaire général de l'intersyndicat CGT du Champagne. Il souligne "des améliorations" mais relève encore "des campements dans les bois".

Selon lui, la nouvelle génération de vignerons a "failli à sa mission": "beaucoup se sont désengagés du logement, pointant parfois des normes trop dures", et "prennent un prestataire pour une récolte clé en main".

Pour Maxime Toubart, les conditions d'hébergement fixées par les services de l'État - imposant par exemple une surface minimale de 4,5 m2 par vendangeur dans les chambres - sont en effet trop strictes et découragent les vignerons.

L'encadrement de la prestation de services est l'un des axes majeurs du plan d'actions adopté en réponse aux "dérives" de 2023, comme l'hébergement, le recrutement et la sécurité des travailleurs.

Les maisons de Champagne "doivent garder un œil sur leurs prestataires, mais beaucoup se mettent la tête dans le sable", déplore José Blanco, insistant sur la nécessité de condamner conjointement les donneurs d'ordre et les prestataires en cas de manquements.

Après "l'électrochoc", tout le monde "reprend le contrôle sur son activité", note Maxime Mainguet, vice-président de la fédération des prestataires en Champagne, récemment créée. Au moment de signer les contrats, les vignerons sont plus regardants, note-t-il.

"Difficultés à recruter"

Un vendangeur se tient sur une caisse de raisin lors d'une récolte dans un vignoble d'Igny-Comblizy, en Champagne, le 19 septembre 2024.
Photo : AFP/VNA/CVN

Pour attirer les vendangeurs, la maison de Champagne Moët & Chandon accueille dans ses propres locaux 1.900 saisonniers sur les 3.500 nécessaires.

À Pierry, une centaine de vendangeurs loge dans l'une de ses résidences, équipée de dortoirs, sanitaires, buanderie et réfectoire. Les travailleurs peuvent profiter de séances de kinésithérapie et d'animations comme des cours de stretching.

"Il faut que les gens aient envie de venir et de revenir vendanger", insiste Frédéric Gallois, directeur du vignoble et des approvisionnements de Moët & Chandon. Les salariés gagnent entre 1.200 et 2.000 euros bruts pour une vendange de 10 jours en moyenne.

Si la CGT déplore le recours massif aux travailleurs étrangers, qui contribue à "la baisse des salaires", M. Toubart assure qu'"il n'y a pas de traitement de salaire différencié" et soulève "les difficultés à recruter".

"L'appellation Champagne n'a aucun intérêt à mal accueillir et mal payer, il s'agit aussi de son image, on n'a pas envie de jouer avec ça", insiste-t-il.

Pour ces vendanges 2024, 22 inspecteurs du travail et 84 gendarmes sont mobilisés quotidiennement sur le terrain, indique la préfecture de la Marne.

AFP/VNA/CVN

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