Utiles alliés

Une chose est certaine, les hépertophobes et les entomophobes risquent de ne pas y trouver leur compte, et pourtant, au Vietnam, le tout-petit peut être utile au tout grand.

>>Quatre pattes en deux roues

>>Étoiles filantes

Le thach sùng (nom scientifique hemidactylus frenatus) est une sorte de lézard miniature.

À tout seigneur, tout honneur. L'un de mes compagnons de chambre le plus original, pour l'Occidental que je suis, est l’hemidactylus frenatus. Sous ce nom à faire frémir les candidats au concours général de latin, se dissimule un drôle de petit animal, sorte de lézard miniature plus connu sous le nom de margouillat à l'île de la Réunion, ou de thach sùng du côté de Hanoï. Agrippé aux murs ou au plafond par ses pattes à ventouse, c'est une bestiole pudique. Il n'aime pas s'exhiber en public, et passe ses journées, caché à l'abri des regards. C'est le soir venu qu'attiré par la lumière des lampes, il s'adonne à son activité favorite : chasser le moustique car ce gecko miniature est le plus formidable insecticide qui existe.

Cri d’amour

Comme tout bon chasseur qui se respecte, il commence par chercher l'endroit le plus approprié pour guetter sa proie. On le voit alors cavaler comme un fou furieux, jusqu'au moment où il trouve son poste de guet. Là, il n'a plus qu'à attendre qu'un de ces indésirables ailés passent à proximité pour le scotcher d'un rapide de langue et l'avaler sans autre forme de procès. Incroyable ce qu'une aussi petite bête peut ingurgiter en une soirée. Avec un tel allié, on peut dormir tranquille direz-vous ! Oui, sauf que…

Sans vouloir transformer cette tranche de vie en leçon d'historie naturelle, je me dois de souligner qu'il existe trois espèces de margouillats qui cohabitent dans les maisons avec les humains. Et sur ces trois, il n'y en a qu'une qui doit connaître les plaisirs de la chair pour se reproduire, et justement c'est celle que nous côtoyons ici, au Vietnam. Tant mieux pour ses braves insectivores, mais tant pis pour nos oreilles. En effet, si notre petit ami est extrêmement discret en temps normal, il a la drague tapageuse à l'époque des amours. Autant pour défendre son territoire et en interdire l'accès à tout rival potentiel que pour attirer les femelles de passage, il se met à pousser des cris qui ressemblent à des explosions de pétards pour la fête du Têt traditionnel des Vietnamiens.

Chercher la petite bête.

Au début, ça surprend, quand, entre deux rêves, on a l'impression de se trouver au milieu d'une fusillade. Le pire, c'est que si on allume pour voir ce qui se passe, le bourreau des cœurs se tait immédiatement. On éteint. Ça recommence. De quoi avoir envie de se saisir de la charentaise que l'on a apportée dans ses bagages, et de la lancer sur l'inconvenant (j'évoque bien sûr la pantoufle, pas l'habitante de Cognac !). Mais, finalement, comme lui n'est bruyant que quelques jours par an, je lui pardonne ses émois contre les nombreuses nuits tranquilles que je peux passer, sans qu'on vienne me sucer le sang.

Pièges en fils

Grosses, petites, fines, épaisses, velues, glabres…, les araignées sont souvent chassées à grands coups de tête-de-loup ou écrasées sous des talons rageurs. Là encore, mes critères occidentaux de la propreté ont été fortement bousculés quand je me suis installé ici. Je me souviens de la première fois où j'avais entrepris de mettre à bas les toiles d'araignées qui festonnaient les encoignures de mon plafond. Comme au Vietnam, chaleur oblige, les plafonds sont hauts, j'avais prolongé le manche d'un balai d'une perche en bambou et, par des mouvements d'estoc, je m'escrimais à détruire ce que les aragnes avaient mis tout leur cœur à fabriquer. C'est que pour moi, les toiles d'araignée, c'était synonyme de caves obscures, de maisons hantées, de fantômes et de vampires.

Donc, pas question de dormir avec une épée de Damoclès au-dessus de moi, à forme d'araignée attachée à un fil et venant gigoter jusque sous mes narines. C'est ma femme, entrant sur ces entrefaites, qui m'a remis dans le droit chemin. Stoppant d'un geste le génocide arachnide, elle m'a expliqué que les toiles d'araignée constituent un parfait piège pour les moustiques et autres insectes volants non identifiés mais perturbateurs de la tranquillité humaine. C'est pourquoi, les Vietnamiennes, dans leur grande sagesse millénaire, laissent subsister quelques réseaux de fils soyeux, dans les recoins, surtout quand ils sont inaccessibles.

Même maintenant, si je ne les regarde toujours pas avec les yeux de Chimène, je considère différemment ces nouveaux alliés à pattes. Contre nos ennemis à ailes, faisons cause commune, à condition que chacun d'entre nous reste dans… son coin.

Au Vietnam, parfois on laisse subsister des toiles d'araignée dans les recoins car elles constituent un parfait piège pour les moustiques.

Pas beau, mais efficace

Celle-ci, j'ai encore du mal à m’y faire. Pour plusieurs raisons. D'abord, parce que cette bestiole existe depuis des dizaines de millions d'années, c'est-à-dire sa capacité à s’adapter. Ensuite, c'est une bestiole maligne comme ce n'est pas possible. D'abord, elle passe ses journées à dormir dans des endroits sombres, obscurs, chauds et humides où, comme dirais ce brave Dumas, la main de l’homme ne met jamais les pieds. Ensuite, dès que la nuit arrive, elle s'empresse de courir en tout sens sur le plancher pour chercher à manger alors que c'est l'heure de dormir.

Mais si seulement, elle pouvait faire cela en silence ? Non, il faut en plus qu'elle fasse un boucan d'enfer, en faisant cliqueter ses pattes sur le sol. Alors, évidemment, ça me réveille. Je reprends ma charentaise pour lui en asséner un coup sur les antennes. Mais, agile comme un singe, elle se sauve avant que le projectile n'arrive sur elle, pour aller se cacher dans un endroit sombre, où je n'irai pas mettre ni la main, ni le pied.

Bon, je sais bien qu'elles sont utiles parce que justement elles s'occupent de nettoyer les saletés que nous laissons dans ces endroits sombres, où nous ne pouvons pas mettre la main. Mais, quand même, rien qu'à penser qu'une nuit, une d'entre elle pourrait confondre mon oreille ou un quelconque orifice naturel avec un endroit sombre, obscur, chaud et humide, ça me donne la chair de poule. De quoi avoir… le cafard.

Cette tranche de vie est ma modeste participation à la réconciliation entre l'homme et la nature. Je ne voudrais pas que vous pensiez que je cherche la petite bête.


Gérard Bonnafont/CVN

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