C’est depuis 2005 que cette trompette peu banale est inscrite dans le Guiness des records vietnamien. Neuf ans après, nous avons rencontré son créateur, Dinh Van Manh, 70 ans, pionnier dans la fabrication de cet instrument de musique au Vietnam.
Dinh Van Manh, surnommé désormais «le génie vivant» du métier de fabricant de trompette du village de Xuân Tiên. Photo : KT/CVN |
Sourire aux lèvres et sur un ton plaisant, il raconte : «En 2004, à la demande de l’évêque Hoàng Van Tiêm, responsable du diocèse de Bùi Chu, j’ai été chargé de concevoir et fabriquer une trompette en bronze cent fois plus grande que la taille normale. Au départ, cette mission m’a fait énormément peur».
Le chétif septuagénaire révèle que c’est durant l’époque coloniale (avant 1954) que le métier de fabricant de trompette, originaire d’Europe, est introduit au Vietnam, par un ingénieur français, très exactement à Xuân Tiên, un village de métier de la province de Nam Dinh (Nord).
Fabricant et trompettiste
À Xuân Tiên, le village natal de Dinh Van Manh, un groupe d’artisans avaient été sélectionnés pour apprendre ce métier exotique afin de fabriquer des trompettes pour les églises catholiques. «J’avais dix ans à l’époque et j’ai demandé à rejoindre ce groupe. Passionné de musique, je suis devenu quelques années plus tard l’un des meilleurs fabricants de trompettes», se souvient-t-il.
Le jeune Manh avait bien conscience qu’il y avait un trait d’union entre l’artisan et son art. Dès lors, il a commencé à apprendre à jouer à la trompette, histoire de peaufiner son travail. «Plus je progressais, plus j’aimais cet instrument. En plus de la trompette, j’ai appris d’autres instruments à vent comme le trombone, le baryton, la basse ou le saxophone. Aujourd’hui, je suis encore en mesure d’en jouer tous !», s’exclame-t-il.
Très entreprenant, il commence à fabriquer lui-même ces instruments à vent réalisant toutes les étapes de fabrication : création des moules, moulage, retouche, réglages sonores.
La trompette géante en bronze, de 5,5 m de long et de 300 kg, trônant depuis dix ans dans l’enceinte de l’Église catholique de Bùi Chu, province de Nam Dinh. |
Une grue pour lever la trompette géante
Au dire de professionnels de l’époque, ses produits n’avaient rien à envier à ceux de l’Europe.
Pourtant, son métier connaissait souvent des moments difficiles. Les contrats d’achat se faisaient de plus en plus rares, beaucoup de fabricants avaient changé de métier afin de survivre. «J’étais tellement attaché à la trompette que je n’ai pas abandonné. J’ai continué de maintenir l’atelier même si la production avait fortement baissé», confie Manh.
Au fil du temps, il s’est bâti une renommée nationale et même internationale. En plus des contrats d’achat venant des provinces du Nord, il en a reçu plusieurs autres de l’Occident et de la Chine. Grâce à lui, ce métier importé de l’Europe s’est implanté à Xuân Tiên.
En plus d’un demi-siècle, Manh a fabriqué en 2004 une gigantesque trompette. «Le travail a duré cinq mois dont un pour le moule. Pour le concevoir, j’ai passé des nuits blanches», se souvient-il. Pour cette mission spéciale, dix artisans parmi les meilleurs ont été sélectionnés. Le plus difficile a été de créer le moule. Contrairement aux habitudes, le plâtre a été délaissé au profit du ciment et du sable, suffisamment solides pour contenir 300 kg de cuivre.
«Le jour du moulage a été comme une fête, tous les villageois étaient présents», témoigne-t-il avec un brin d’orgueil. Le cuivre pur fondu pendant plusieurs jours sous une forte température a été versé dans le moule, puis laissé refroidir quelques jours. «Mon cœur battait vite en voyant cette gigantesque trompette. On a du utiliser une grue pour la sortir du moule», se rappelle-t-il, satisfait de son œuvre «unique au monde». Mesurant 5,5 m de long, 1,3 m de diamètre au pavillon et pesant 300 kg, la trompette géante émet un son semblable... au tonnerre. En 2005, elle a été inscrite dans le Livre des records du Vietnam.
Actuellement, Manh demeure le plus expérimenté des fabricants d’instruments à vent du village. Son atelier a formé plusieurs générations de fabricants de trompette et en emploie des dizaines qui travaillent suivant ses deux priorités : production et formation (des jeunes artisans).
«Nous produisons une trentaine d’instruments à vent par mois. Nos produits sont de bonne qualité et d’un prix plus abordable que ceux importés. Ils sont appréciés dans tout le pays», déclare-t-il.
Considéré par tous les villageois comme «le génie vivant» du métier de fabricant de trompette, Manh est confiant en l’avenir de son atelier. «Des groupes de touristes le visitent souvent. Nous recevons aussi régulièrement des visites de musiciens vietnamiens. Cela me réjouit et me motive», affirme-t-il.
Nam Dinh, le pays des trompettistes
La province de Nam Dinh (Nord) compte quelque 200 troupes de trompettistes amateurs dont la plus importante compte un millier de membres. Parmi lesquelles figurent des dizaines de troupes de femmes. Beaucoup de ces trompettistes amateurs sont de simples paysans amoureux de la musique, qui aiment se retrouver après une journée de labeur afin d’assouvir leur passion. Régulièrement, ces troupes sont invitées à se produire aux fêtes villageoises. Un concours est même organisé annuellement à l’intention de ces trompettistes non professionnels. Le village de Xuân Tiên, district de Xuân Truong, compte cinq troupes, regroupant plus de 500 «trompettistes-paysans». «Nous pouvons jouer une trentaine de concertos tant vietnamiens qu’étrangers», s’enorgueillit le chef d’orchestre du village.
Nghia Dàn/CVN