Pour faire court, disons que dans l'application du principe de relativité, pour une expérience vue depuis deux référentiels différents, les observations sont différentes mais une même loi mathématique les décrit toutes les deux… Démonstration !
Ticket relatif
Soit une première expérience dont le référentiel consiste à garer sa moto devant un café, face au lac Hoàn Kiêm, à Hanoi, pour boire un coup. Selon le protocole de l'expérience, il convient de monter sur le trottoir avec sa moto, en empruntant le bateau prévu à cet effet.
Puis, il s'agit de descendre de sa moto, en adressant un petit signe de tête à la dame assise sur un tabouret de plastique, entre deux autres motos. À ce signe de connivence évidente, la dame se lève et se dirige vers vous, en vous indiquant d'un geste nonchalant l'emplacement où vous pouvez hisser votre moto sur sa béquille.
Puis, alors que vous obtempérez, elle inscrit à la craie grasse deux ou trois chiffres fatidiques sur votre selle, coffre, ou garde-boue…, en tout cas, sur un endroit qu'il vous faudra frotter encore et encore pour effacer toute trace de votre passage sur ce parking.
Puis, ignorant superbement vos remarques acerbes sur l'état dans lequel est votre moto, avec toutes ces fichues inscriptions qui dénaturent son apparence, elle vous glissera de force dans la main un ticket sur lequel figure les mêmes chiffres que ceux dont elle a gratifié la moto.
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| Se garer : certitude ! Montant à payer : incertitude ! |
Ticket empoché, vous allez boire un "café đen" (café noir), "trà đá" (thé glacé), ou toute autre boisson qui pourrait vous faire oublier l'agression artistique dont votre moto vient d'être victime. Après avoir étanché votre soif et votre tristesse, vous ressortez en vous dirigeant vers votre moto. Avant même que vous en ayez effleuré le guidon, la dame aux chiffres et au ticket surgit près de vous pour vous demander ce dernier accompagné d'un billet de 5.000 dôngs. Vous vous soumettez et, en échange, vous pouvez quitter le parking sans risque d'être poursuivi par la force publique ou la vindicte privée. Fin de l'expérience, qui aboutit au résultat suivant : garer sa moto face au lac Hoàn Kiêm, devant ce café, réduit ma fortune de 5.000 dôngs !
Soit une seconde expérience dans un autre référentiel, qui consiste à garer sa moto devant un café, face au lac Hoàn Kiêm, à Hanoi, pour rencontrer des parents ayant adopté un enfant vietnamien. Le protocole de l'expérience est identique à celui de l'expérience précédente, mais les mesures diffèrent : les chiffres qui s'étalent grassement sur la moto ne sont pas les mêmes, et la sortie du débit de boisson se fait en compagnie du couple de parents adoptants et de leur bébé vietnamien.
Cependant, en fonction du principe de relativité, les mesures faites sur l'une et l'autre dans leurs référentiels respectifs (comme je l'ai déjà indiqué plus haut) sont identiques. Donc, je prépare un billet de 5.000 dôngs. Et c'est là que je vérifie un autre principe de cette loi sur la relativité, qui dit que chacun mesurant depuis son référentiel respectif, les mesures peuvent être différentes.
En effet, ce sont seulement 3.000 dôngs que me demande la dame préposée aux tickets ! Surprise dans mon référentiel, mais explication dans le sien : il y a un bébé vietnamien dans mon périmètre de proximité... Résultat de l'expérience : garer sa moto face au lac Hoàn Kiêm, devant ce café, avec un bébé vietnamien, réduit ma fortune de 3.000 dôngs !
Une troisième expérience m'apprend que dans des conditions analogues, mais en modifiant un paramètre - c'est mon épouse qui m'accompagne pour boire un verre - garer ma moto ne réduit ma fortune que de 2.000 dôngs.
D'où cet axiome : le prix du stationnement pour ma moto est relatif !
Distance relative
Mais la vérification du principe de relativité ne s'arrête pas là ! Je le vérifie sur le compteur des taxis que j'emprunte parfois et qui affiche un prix relatif de la course, selon que je parle français ou vietnamien.
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| Un fouillis tout relatif... |
La dernière expérience en date est de cette semaine. Revenant de Dà Nang (Centre) en avion, avec des amis, nous retrouvons le plancher des vaches à l'aéroport international de Nôi Bài, à Hanoi. Sortis de l'aéroport, sans armes mais avec bagages, nous hélons un taxi pour nous faire convoyer jusqu'à l'hôtel retenu pour mes amis. Pour me faciliter la tâche et éviter tout contresens lié à une erreur de prononciation, j'avais présenté la carte de l'hôtel (celle où figure l'adresse, pas celle de la restauration) au chauffeur qui, acquiesçant par un sonore "Ok !", met en marche son taximètre.
Devisant en français avec mes amis, c'est en arrivant à hauteur du pont de Thang Long que je m'aperçois que, au vu de la somme affichée au compteur, nous devrions nous trouver quelque part entre Ninh Binh (Nord) et Vinh (Centre) ! Et c'est là que le principe de relativité prend tout son sens. Dans mon référentiel inertiel, un compteur déroule ses chiffres de 0 à l'infini. Or, quand après avoir exprimé ma surprise en vietnamien et rajouté quelques allusions polies à la police des taxis, j'ai découvert qu'un compteur pouvait faire défiler ces chiffres en sens opposé, de l'astronomiquement élevé jusqu'au raisonnablement acceptable.
D'où, corollaire du précédent axiome : que ce soit pour stationner ou pour rouler, le prix est toujours relatif !
Relatif aussi, quand je demande une bouteille d'eau froide, et que l'on m'apporte une bouteille d'eau tiédasse passée en vitesse au congélateur, en m'assurant que cette bouteille vieillit au frais depuis des mois ; quand, en absence de monnaie, ma vendeuse de "bánh mì" (pain) me donne des pâtes à mâcher en me jurant que ça remplace des billets de 1.000 dông ; quand, lorsque je manque d'essence pour ma moto et que je me ravitaille en urgence auprès d'un vendeur de carburant, il me garantit que sa bouteille d'un litre en contient deux…
Bien sûr, tout ceci est relatif y compris l'application que j'ai faite du principe de relativité dans cette tranche de vie !