Trépidante, Hanoi fascine. Hanoi sidère. Elle happe les nouveaux visiteurs dans un tourbillon effréné. Frénétique chaos, une description faite et refaite. Un portrait mille fois dressé. Un cliché, une image d’Épinal presque. Pourtant, on ne saurait affubler la dame millénaire du qualificatif usuel des capitales, de ces «villes qui ne dorment jamais». Non, Hanoi sait, elle, se laisser gagner par le sommeil. Après le repas, une lourde torpeur s’installe. Comme une sieste chez les fourmis.
Une vielle dame pleine de fougue…
Attention, Hanoi est loin d’être un tire-au-flanc. Dès 05h00, dans les douces lueurs de l’aube, les commerçants sortent leurs étalages. Les parcs retrouvent leurs joggeurs quotidiens, leurs marcheurs de groupe et leurs pratiquants de Tai Chi. Les chauffeurs de «xe ôm» (moto-taxi) s’étirent sur leurs engins. Les marchandes de fruits vont déjà ici et là, d’un pas ferme, leur cargaison en équilibre. Innombrables participants d’un réveil tout en éclat.
Et puis viennent les heures de pointe, motos, vélos, voitures, taxis à toute allure... Comme un torrent qui s’invite dans les rues et ruelles. La ville déborde sous les flots de ses citadins suractifs, elle bouillonne d’un trop plein de vie. L’apogée de cette frénésie prend place vers 18h00. Les Hanoiens quittent le travail et sortent. Sortent se promener, déguster un «chè» (compote de riz), prendre des cours de salsa en plein air, apprendre la gymnastique, faire du pédalo, jouer au badminton, siroter doucement une «bia» (bière), que sais-je... Vivre avant que ce ne soit trop tard. Il y a une sorte d’urgence dans les soirées de Hanoi. C’est la folie qui reprend à la lumière des lampadaires cette fois. Une danse de tous les diables.
… s’assoupissant sans prévenir
Mais contrairement à de nombreuses mégapoles, Hanoi sait, elle, se laisser glisser dans les bras de Morphée. Après le déjeuner, aux alentours de 13h00, tout se fait plus lent, plus las. Chaque geste pèse. Les mâchoires décrochent des bâillements spectaculaires. Les corps s’affaissent. Les yeux se plissent. Les paupières tombent. Sieste obligatoire ou presque.
Moins sacrée que la sieste des gens du Sud, celle des Hanoiens n’en est que plus foudroyante. Oubliez le légendaire pin parasol, la tendre pelouse ou le hamac… À Hanoi, le sommeil frappe les citadins là où ils se trouvent. Les bureaux prennent alors des airs de dortoirs, les motos de transats et le chant des grillons autour des lacs résonne comme une berceuse. Qu’il peut faire chaud à Hanoi après le déjeuner ! Expéditive torpeur, c’est folie que de vouloir y résister. D’ailleurs, le phénomène semble n’épargner personne. Des travailleurs de rues aux officiers de police, des bambins crapahutant aux vénérables patriarches : ça raipille... Les rares somnambules encore en piste sont les touristes, peu au fait de cet étrange phénomène, qui tentent alors un absurde bras de fer avec ce marchand de sable intempestif.