Nguyên Thi Lê Quyên (2e plan, 3e à droite) entourée de ses élèves au collège de Bamborthong. |
Des adieux déchirants qui ont longuement ému la jeune enseignante vietnamienne, venue pour une mission de volontariat : enseigner l'anglais au collège de Bamborthong, une petite ville située dans une région reculée de Thaïlande.
"Je ne pourrai jamais oublier le rite d'adieux si émouvant que mes élèves thaïlandais ont fait spontanément pour moi", confie Lê Quyên. Pour elle, le 1er mars 2014 est un "jour mémorable". À la fin de l'heure de classe, les élèves invitent leur enseignante à s'asseoir sur une chaise placée au milieu de la classe, puis se placent tout autour. Une minute de silence passe avant qu'ils n’entonnent une chanson thaïlandaise. Sitôt la chanson terminée, les adolescents se mettent à genoux et se prosternent, en cercle, devant l’enseignante, en synonyme de gratitude. Puis, de crier en chœur, à haute voix et en anglais : "Teacher, don't go Vietnam !". "J'ai éclaté en sanglots durant le rite d'adieux. Puis, cela a été le tour de toute la classe d’être en pleurs !", raconte Lê Quyên.
Du désenchantement...
Fraîche émoulue de l'École normale de Hô Chi Minh-Ville, département d’anglais, Lê Quyên, 23 ans, s’est portée volontaire pour participer au "Sawasdee Thailand Project" (Projet Bonjour Thaïlande en français). «Il s’agit d’un projet lancé par l'organisation non gouvernementale Sawasdee VSA basée en Thaïlande, dans le but d'enseigner l'anglais aux jeunes ruraux thaïlandais», explique-t-elle. Lê Quyên a quitté Hô Chi Minh-Ville le 16 janvier 2014 pour sa mission d’un mois et demi, et est descendue le même jour à Bamborthong, une commune pauvre de la province de Chaiyaphum, à dix heures de route de Bangkok. "Les premiers temps au collège de Bamborthong ont été difficiles, avec une impression de désenchantement. Les enfants, garçons comme filles, se montraient antipathiques à mon égard. Certains séchaient les cours, d'autres rigolaient ou piquaient du nez pendant les heures de classe...", se rappelle la volontaire vietnamienne. Elle a dû faire tout son possible afin de se rapprocher de ces collégiens qui étaient dans l'ensemble "paresseux et faibles en anglais".
Les adolescents se mettent à genoux et se prosternent, en cercle, devant la maîtresse. Puis, de crier en chœur, à haute voix et en anglais : «Teacher, don’t go Vietnam !». |
Cette attitude est à mettre sur le compte de la vie difficile des locaux, lui expliquent ses collègues thaïlandais. Dans cette localité déshéritée, la plupart des adultes choisissent de tenter leur chance en ville, laissant les enfants à leurs grands-parents. Pour les élèves, les études sont accessoires, et les rêves de la jeunesse leur font cruellement défaut. Interrogé sur son projet d'avenir, un collégien répond spontanément et simplement :
- Après le collège, je me marierai et travaillerai dans les champs.
- Pourquoi pas les études au lycée, puis à l'université ?
- Pourquoi faire ? Non, je n'aime pas.
... à l’émerveillement
"Touchée de compassion pour mes collégiens en écoutant leurs confidences, j’ai voulu faire quelque chose de bon pour eux, de les rendre studieux, de leur faire comprendre la nécessité des études – une clef de la réussite ", confie Lê Quyên.
Au début, elle cherche à "gagner la sympathie" de ses "élèves obstinés", au moyen d’activités extrascolaires : organiser pour eux des jeux où il faut pratiquer l'anglais, participer avec eux à un match de football ou de volley-ball, les aider à faire les besognes à domicile comme s’occuper des animaux de basse-cour, arroser le potager, cueillir les fruits, ramasser des coquillages dans le ruisseau…, sans oublier d'apprendre auprès d'eux des chansons thaïlandaises - liant social par excellence.
Les efforts de Lê Quyên portent enfin leurs fruits. Désormais attachés à leur enseignante vietnamienne, les ados se rendent à l'école et apprennent studieusement. "Teacher, what are you doing?", "Teacher, where are you going?"… "Le salut que les collégiens m'ont adressé en anglais m'a donné les larmes aux yeux. J'y voyais une marque de sympathie", avoue Lê Quyên.
Les week-ends, alors que les enseignants étrangers du groupe volontaire font du tourisme, Lê Quyên reste à Chaiyaphum : "J'ai pitié pour les élèves et je veux être à leurs côtés", explique-t-elle, en réponse à ses confrères. Les sentiments sincères de Lê Quyên ont réussi, paraît-il, à susciter chez ses élèves thaïlandais l'amour pour les études.
Sa mission terminée, Lê Quyên éprouve toutes les peines du monde à quitter ses collégiens. Le dernier jour, ces derniers viennent à sa rencontre, les yeux embués. Certains déposent dans les mains de "teacher Quyên" un petit cadeau : un ancien foulard traditionnel, un ours en peluche, un morceau de gâteau local… "J'étais très émue en lisant une phrase écrite sur une feuille de papier que la timide Noy m'avait discrètement donnée : +Noy miss teacher!+", se rappelle Lê Quyên. Et d'ajouter que jusqu'ici encore, elle reçoit de temps en temps un message en ligne de la part de ses anciens élèves qui soulignent toujours, à la fin : "I miss you, teacher Quyên".
Les "souvenirs inoubliables" engrangés durant la mission de "Sawasdee Thailand Project" a, dans une certaine mesure, modifier le projet d'avenir de Lê Quyên : "Auparavant, je voulais faire mes études postuniversitaires à l'étranger. Mais maintenant, je veux retourner en Thaïlande".
Sawasdee VSA est une organisation non gouvernementale basée en Thaïlande qui mobilise la coordination internationale pour les projets de volontariat en faveur des habitants ruraux.
Créé par Sawasdee VSA, Sawasdee Thailand Project a pour but de fournir aux jeunes campagnards de la Thaïlande des connaissances culturelles fondamentales et en anglais. Le projet est déployé dans une centaine d’écoles et de communautés rurales, situées dans six provinces reculées : Ayutthaya, Srisaket, Chaiyaphum, Nakhon Pathom, Samut Prakan et Khon Kaen.
Nghia Dàn/CVN