Ces «allumés» de la cithare à seize cordes

Le programme «Rencontres de la cithare à seize cordes», organisé début juillet à Hô Chi Minh-Ville, a permis de dresser ce constat : si les jeunes du pays négligent la musique traditionnelle, d’autres, vivant ou nés à l’étranger, l’apprécient et cherchent à lui redonner son lustre d’antan.

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Représentation du groupe Huong Viêt dans le cadre du programme «Rencontres de la cithare à seize cordes», organisé début juillet dernier à Hô Chi Minh-Ville.
                                                                                                            

Un matin de la mi-juillet. En arrivant à la classe de musique du Club «Le chant du pays natal» de l’Enseignante émérite Pham Thúy Hoan, l’on voit Nguyên Thi Thùy Trang (du groupe Phuong Ca en France) et son fils Pham Van Hiêu sur leur cithare à seize cordes. S’arrêtant de jouer quelques instants, Trang dit : «Mon fils s’est levé très tôt et me demande de l’emmener ici depuis 8 heures du matin pour revoir ses nouveaux amis et les artistes qu’il a connus lors du programme +Rencontres de la cithare à seize cordes+».

Chaque année, toute la famille de Trang - qui habite à Paris - rentre au pays pendant deux mois environ à l’occasion des vacances scolaires d’été de son fils. Sauf que cette fois, le programme a quelque peu changé la donne : en plus d’anticiper leur séjour, ils ont décidé de «traîner» un peu pour permettre au fils d’avoir davantage de leçons de cet instrument typiquement de vietnamien.

La séparation, source d’affection ?

Autre exemple avec Hông Viêt Hai, qui durant ses études en médecine à Seattle, État de Washington, États-Unis, a fondé le groupe Huong Viêt. Les efforts de cette création ont permis de créer des affinités avec les maîtres de cithare du pays comme le Professeur Trân Van Khê, l’Enseignante émérite Pham Thúy Hoàn, l’agrégée Hai Phuong... M. Hai a accumulé de précieuses expériences et méthodes pour les transmettre avec pédagogie aux membres de son groupe.

Si les jeunes du pays négligent la musique traditionnelle, d’autres, vivant ou nés à l’étranger, l’apprécient et cherchent à lui redonner son lustre d’antan.

Cette «opportunité» inattendue activée par l’amour de la cithare permet, à lui et son épouse Thúy Loan, de préserver la flamme du groupe depuis maintenant dix ans. Après leur travail - Hai exerce en tant que médecin et Loan est employée chez Boeing -, ils consacrent la majeure partie de leur temps libre à donner des cours de cithare aux jeunes, ouverts à tous.

Il y a également l’enseignante Vo Vân Anh, qui a débuté l’apprentissage de cet instrument dès l’âge de quatre ans. Elle vit actuellement à Fremont, en Californie, et y enseigne la cithare et d’autres instruments de musique traditionnels vietnamiens. Après 13 années passées aux côtés de ses élèves vietnamiens et américains, Vân Anh est parvenue à créer la Fondation Music Bridge - Under 25, destinée à favoriser l’éclosion des jeunes instrumentistes.

La patience est la mère de vertu

En privilégiant l’orientation et la progression régulières, l’enseignante guide pas à pas les élèves à franchir les étapes avec sérénité. Vân Anh a partagé avec nous les souvenirs de son premier récital, et notamment ce petit «couac» : «Mes élèves, pourtant vêtus de leur tunique et couverts de la coiffe traditionnelle de rigueur, portaient malencontreusement ce jour-là des chaussures en tissu pour jouer la partition +Trông com+ (Tambourin oblong)».

Beaucoup d'artistes vietnamiens continuent à semer patiemment leurs graines pour que les mélodies de la cithare à seize cordes ne se meurent jamais et s’envolent vers d’autres cieux.

Mais qu’on la rassure : si la scénarisation était encore rudimentaire, la tenue vestimentaire imparfaite, l’appréciation chaleureuse des spectateurs avait en revanche fortement encouragé les jeunes artistes à progresser davantage. «À l’ère des nouvelles technologies de l’information et de la communication, on perd son sang froid au bout de 10 secondes en cas de non obtention de l’information désirée. Alors le temps dédié à la compréhension et aux études de la musique populaire, et plus particulièrement de la cithare doit être multiplié par plusieurs dizaines de milliers de fois. On ne peut donc agir de manière impatiente ou avec précipitation. D’un autre côté, je ne peux rester inactive ou me limiter aux critiques !», confie-t-elle.

Mais revenons à Nguyên Thi Thùy Trang. Ayant entrepris l’apprentissage de la cithare il y a dix ans, motivée tout naturellement par l’accompagnement de son fils, elle est aujourd’hui la secrétaire générale de l’Association de la musique populaire Phuong Ca, en France. Cette dernière est une école d’enseignement des spécialités de musique populaire fondée par l’artiste Phuong Oanh à Sài Gon (aujourd’hui Hô Chi Minh-Ville) en 1969, puis rouverte en 1978, en France. Outre ses centres d’activité à Paris, elle compte une ramification à Oslo (Norvège). À l’issue de nombreuses années d’études, la mère et son fils de 19 ans, Pham Van Hiêu, ont participé activement aux programmes artistiques de Phuong Ca. «Les spectateurs français adorent la cithare vietnamienne au point de se ruer sur la scène pour pouvoir toucher les cordes !», s’amuse-t-elle.

Jamais seul !

«J’espère que le club +Le chant du pays natal+ et le Palais de la culture et du travail continueront à maintenir cette tradition, à organiser régulièrement ces +Rencontres de la cithare à seize corde+ et promouvoir l’enseignement de la cithare auprès de toutes les composantes de la société. Ma participation cette année m’a insufflé une nouvelle énergie, car je sais pertinemment que je ne suis pas seul sur le chemin que j’ai choisi», déclare Hông Viêt Hai, le fondateur du groupe de Seattle Huong Viêt.

Animés par cette volonté farouche de s’attirer la lumière plutôt que de rester dans la pénombre, beaucoup de ces artistes continuent à semer patiemment leurs graines pour que les mélodies de cette musique populaire vietnamienne ne se meurent jamais et s’envolent vers d’autres cieux.

Phuong Nga/CVN

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