Le district de Na Ri est situé au cœur des montagnes. |
Dans la langue de l’ethnie Thai, Na Ri signifie «champs étendus». Ce terme reflétant la singularité de cette région, est le chef-lieu du district de Yên Lac situé au cœur des montagnes calcaires entre 700-800 mètres d’altitude à travers lesquelles serpente un long ruisseau bordé à chacune de ses rives par des surfaces de terres cultivées.
Impossible de visiter ce bourg septentrional sans apercevoir les deux rangées de maisons en bois datant des années 1950. Elles longent la rue formant une agglomération appelée «vieux quartier».
Un carrefour ethnique
Bâti sur le versant montagneux à 500 mètres d’altitude, Na Ri est un point d’intersection des ethnies minoritaires. H’Mông, Tày, Nùng, Dao, Kinh, tous y vivent essentiellement de l’agriculture et de la sylviculture.
Ce lieu est tellement distant que le sentier sinueux et escarpé est l’unique chemin pour s’y rendre. Ce qui n’empêche pas qu’il soit la destination favorite des visiteurs. L’atmosphère paisible surtout dans le vieux quartier - son meilleur endroit- ainsi que la centaine de maisons en bois au style architectural similaire y sont pour beaucoup.
«Elles ont été construites dans les années 1950, avec du bois de fer, une espèce végétale capable de résister aux termites et aux vrillettes. Soixante ans après, la mienne n’a subi aucune modification», raconte Luong Thi Phung, 80 ans, originaire d’ethnie Nùng.
Devant sa maison se dresse une tablette en bois sur laquelle sont étalés quelques sacs de beignets en sucre. «Les enfants aiment ces gourmandises, une spécialité locale», dit-elle.
À Na Ri, les vieilles maisons sont toutes de type «maison tube» avec une structure identique : la pièce centrale (salon) pour recevoir les visiteurs comprenant dans un emplacement confortable (en face de l’entrée principale) l’autel des ancêtres. À droit sont situées des chambres à coucher alignées, suivies de la cuisine et des toilettes. Enfin à gauche se trouve un couloir conduisant dans toute l’habitation.
La maison est haute avec une mezzanine au-dessus des chambres à coucher. Elle est couverte de tuiles traditionnelles en forme d’écaille de poisson. «Selon la tradition, la tuile sert à garder la fraîcheur pendant l’été et réchauffer en hiver», assure l’octogénaire.
Na Ri abrite des maisons en bois datant d’un demi-siècle. |
Après des décennies, les colonnes en bois de fer gardent leur solidité. Luong Thi Phung raconte que pour construire leur maison, ses défunts parents ont eu recours à un groupe d’artisans réputés de la région.
Transgénérationnelle
La préparation de la charpente a pris plus de temps, passant par plusieurs étapes : d’abord, chercher de grands bois de fer dans les forêts lointaines (à raison d’une semaine par pied), les abattre ensuite avec une grande scie manuelle avant de les ramener au village sur un buffle. Les bois abattus ont été immergés dans l’eau pendant 5 ans afin de les raffermir avant de la construction.
Après les travaux au ciseau durant des mois, le montage de la charpente a pris une quinzaine de jours, contre un à deux seulement pour une maison ordinaire. «Cette vieille maison est intimement liée à cinq générations de ma famille», s’enorgueillit l’octogénaire.
Le quartier baigne dans une tranquillité déconcertante. Plusieurs familles y font depuis très longtemps la pâtisserie. Des spécialités locales sont préparées pour être vendues au marché ou sur place : banh khao (gâteau sec de farine de riz grillé), banh te (gâteau de pâte de riz farci), banh chung (gâteau de riz gluant farci), quây (beignet en sucre)…
De nos jours, nul n’est à mesure de situer l’origine de l’appellation «vieux quartier de Na Ri», de même qu’il est difficile de savoir s’il deviendrait un jour «patrimoine architectural».
Ce qui attriste Luong Thi Phung, c’est que «jusqu’ici, il n’y a aucun projet de préservation», se plaint-t-elle craignant une éventuelle disparition des maisons en bois face à l’envahissement de bâtiments en dur.
Nghia Dàn/CVN