>>Un Poussin à 3,7 millions pour le Musée des beaux-arts de Lyon
>>Le bouton, reflet de la mode et des mœurs
>>À l’école Givaudan, les grands «nez» de la planète ont plus que du flair
, le 26 juin. |
Le tableau de Fragonard a été adjugé 7,68 millions d'euros, le 26 juin. Photo : AFP/VNA/CVN |
Réalisée entre 1768 et 1770, dans la "période la plus virtuose" de cet artiste emblématique du XVIIIe siècle, la toile ovale, de 45,8 x 57 cm, a été mise en vente à 1.200.000 euros, lors d'une vente organisée par la maison "Enchères Champagne", puis finalement adjugée à 6.300.000 euros, pour un prix total de 7.686.000 euros avec les frais d'achat (22%).
Il s'agit "du troisième prix le plus important" pour cet artiste, a indiqué Stéphane Pinta, expert au cabinet Turquin qui avait authentifié le tableau.
L'œuvre a été acquise par un collectionneur privé, alors que sept enchérisseurs se sont manifestés, tous par téléphone depuis la France et l'étranger. Si l'identité de l'acquéreur reste confidentielle, le tableau "devrait probablement rester en France", a avancé M. Pinta.
"Fragonard est l'un des cinq grands monstres sacrés de la peinture Française du XVIIIe siècle (...) On attendait évidemment un prix très important pour ce tableau extraordinaire, dans un état de conservation parfait, avec un sujet rare, très intelligemment composé et complètement inédit sur le marché", a commenté l'expert.
"Le tableau correspond à sa plus belle période, deux ans pendant lesquels il est au top de son génie (...) Et il n'avait quasiment jamais été nettoyé, jamais rentoilé : il est sur sa toile, son châssis et son cadre d'origine", a-t-il observé.
"Planètes alignées"
"Ce tableau dormait dans une maison, et personne ne l'avait touché. C'est une histoire comme le marché de l'art les aime, (...) toutes les planètes étaient alignées pour avoir une enchère intéressante", a souri M. Pinta.
La signature du peintre Fragonard au dos d'une toile représentant un "Philosophe lisant" |
La signature du peintre Fragonard au dos d'une toile représentant un "Philosophe lisant". Photo : AFP/VNA/CVN |
L'œuvre avait un temps appartenu au miniaturiste Pierre Adolphe Hall, ami du peintre Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), puis était sortie des radars pendant deux siècles avant d'être récemment redécouverte par le commissaire-priseur Antoine Petit, à l'occasion d'un inventaire de succession.
Elle se trouvait dans le salon d'une propriété de la Marne, "dans la même famille depuis plusieurs générations" sans que les propriétaires n'en connaissent ni l'origine ni la valeur, raconte Maître Antoine Petit dans un le dossier de presse.
Lorsqu'il la "décroche pour l'examiner", le professionnel constate immédiatement "la touche manifestement experte", les "coups de pinceau incroyablement francs"... Mais surtout une inscription ancienne au revers du cadre en bois doré : "Fragonard".
Le tableau - qui représente un philosophe chauve à la barbe blanche, assis et lisant un imposant ouvrage - est alors authentifié par le cabinet spécialisé dans les peintures anciennes.
Touche "rapide et légère"
Interrogé par l'AFP, l'expert Eric Turquin souligne "l'exécution brillantissime par Fragonard, très rapide, très légère", une légèreté "qui est l'esprit des Lumières".
"La Révolution va détester ces tableaux-là", note Eric Turquin. "Dans la Révolution, l'Empire, ces périodes de guerre, on a cherché des modes d'expression plus violents, plus brutaux". Les artistes comme Fragonard "perdent alors leur valeur" et avec, "leur attribution", analyse-t-il.
Agé d'une quarantaine d'années au moment de sa réalisation, Fragonard s'octroie ici "une grande liberté" d'exécution, souligne aussi Stéphane Pinta. Appliquée très rapidement, la peinture semble "modelée, sculptée dans la matière, parfois même directement avec le doigt".
Loin des sujets féminins et libertins qui avaient fait sa renommée, Fragonard s'intéresse à la figure de l'homme mûr, qu'il abordera dans neuf autres portraits, "dans la lignée des portraits pittoresques de vieillards (....) appréciés par les peintres hollandais du XVIIe siècle et en premier lieu Rembrandt, que Fragonard admire", analyse encore le cabinet Turquin.
Un tableau similaire est par ailleurs conservé à la Kunsthalle de Hambourg (Allemagne), représentant aussi un philosphe, dans le même type de format ovale.
AFP/VNA/CVN