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Le sexagénaire durant sa longue traversée du Nord au Sud. |
«Les jeunes aiment aussi marcher, mais sur les sentiers de montagne, ou faire des randonnées à vélo. Moi, c’est la marche à pied longue distance, sur les routes, pendant des jours, des semaines, que j’adore. Pour me lancer des défis et admirer longuement les paysages», confie Trân Ngoc Công.
Le 12 avril, dans le district de Nam Can, province de Cà Mau (extrême-Sud), le marcheur a lancé sur son compte Facebook une vidéo en direct, annonçant son arrivée dans cette localité, point final de sa marche trans-vietnamienne. Son périple avait commencé à la mi-janvier dans la province de Lang Son, aux confins septentrionaux du pays. Il lui avait fallu six jours pour parcourir les 150 premiers kilomètres jusqu’à Hanoï. Là, Têt (Nouvel An lunaire) oblige, il avait posé son sac à dos chez ses proches durant six jours, avant de reprendre son bâton de pèlerin pour entamer sa lente descente vers le Sud.
Trente kilomètres par jour
Le poids étant l'ennemi numéro un du randonneur, le retraité n’avait emmené avec lui que le strict minimum : un poncho, un chapeau, une serviette, des vêtements de rechange, une bouteille d’eau, de l’argent de poche, une carte bancaire. Sa journée de marche commençait à 05h30 et se terminait vers 17h00. Chaque jour, il parcourait 30 km, quelque soit le temps, principalement le long de la fameuse Nationale 1. Dans le Centre, il a quitté la bruyante route pour des routes côtières bien plus accueillantes. Dans la mesure du possible, tout au long de son parcours, il a toujours essayé de visiter des sites historiques et touristiques.
Voyager à pied, c’est avant tout le meilleur moyen d’aller à la rencontre des autres - et accessoirement de soi-même. M. Công a confié qu’il n’a rencontré, malgré son look de vagabond, que des gens sympathiques prêts à l’aider : «Pensant que j’étais un clochard ou un vendeur ambulant, très souvent on me proposait de l’aide pour manger ou loger, mais je refusais systématiquement». Les rencontres désagréables furent rares, et celle au col de Cô Ngua (province de Khanh Hoà, Centre) l’a particulièrement marqué : «Un gars à moto m’a cherché des noises puis il m’a balancé des insultes !». Comme autres désagréments, la goutte tient aussi une place particulière. Cette maladie chronique l’a en effet obligé à une halte de cinq jours dans la province de Thanh Hoa (Centre).
Une envie irrépressible de grand large
Trân Ngoc Công est passionné de voyages. Depuis qu’il est à la retraite, il a visité avec sa femme la Russie, le Japon, Dubai et beaucoup de pays d’Asie du Sud-Est.
Cette idée de long périple à pied lui est venue par hasard, alors qu’il regardait une émission télévisée. «On parlait d’un vieil homme parcourant l’Espagne. ça m’a passionné cette histoire ! Et je me suis demandé si je pouvais moi aussi faire la même chose, à travers le Vietnam ?».
Pour en avoir le cœur net, le fringant sexagénaire a décidé de se tester physiquement dans les environs de Hanoï. Pour sa première longue sortie, il a marché 15 km non-stop. À la seconde, 20 km, puis 35 km à la troisième. Après ces essais plus que convaincants, il a dévoilé son projet à sa femme, qui n’a guère été emballée (doux euphémisme) par la nouvelle. «Nous avons été choqués de la décision de mon père, a confié son fils Minh Hoàng. Nous avons cherché à le faire renoncer, mais en vain. Car quand il a quelque chose en tête, personne ne peut le faire changer d’avis !».
Parti de la province de Lang Son mi-janvier, M. Công a terminé son périple dans la province de Cà Mau, le 12 avril. |
Il est vrai que M. Công a une santé chancelante, d’où les craintes, justifiées, de ses proches. Il y a deux ans, il a été opéré de la tuberculose, de calculs rénaux et d’une gastrorragie. Et puis, il y a cette sempiternelle goutte, dont la manifestation clinique la plus caractéristique est une monoarthrite aiguë du gros orteil - vraiment pas l’idéal pour un marcheur au long cours. Malgré tout, «l’appel du large» a été le plus fort. «Rester à la maison, regarder la télévision, aller de temps en temps visiter des amis et apprendre que l’un est hospitalisé, que l’autre a un cancer, franchement, ce n’est pas la vie que je souhaite à mon âge», avoue-t-il.
M. Công est revenu parmi les siens, à Hanoï, sain et sauf, plus fort physiquement, plus riche intérieurement sans doute aussi. Mais il n’est pas certain que ce périple l’ait rassasié une bonne fois pour toute de son envie d’aventure et de grandes échappées solitaires, bien au contraire. Il est même fort probable qu’il soit en train d’échafauder de nouveaux projets, en secret, dans un coin de sa tête !
En tout cas, il a prouvé que la retraite offre bien d’autres alternatives que la télévision la journée et les balades le soir autour du pâté de maisons. De plus en plus de personnes arrivent à l’âge de la retraite en pleine possession de leurs moyens, et c’est alors une nouvelle tranche de vie qui s’ouvre, riche d'opportunités et de nouvelles expériences. Seniors, faites comme Trân Ngoc Công, vivez vos rêves !
Linh Thao/CVN