Un protecteur d’aigrettes à Ðông Tháp

À Ðông Tháp, une province du delta du Mékong, Lê Thanh Nghia a créé en une quinzaine d’années un refuge pour les oiseaux sauvages. Un rêve de jeunesse enfin exaucé.

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Lê Thanh Nghia dans son jardin à Ðông Tháp (Sud).

Ces 15 dernières années, dans le hameau de Chiên Thang, commune de Tân Hô Co, district de Tân Hông, province de Dông Tháp, d’innombrables aigrettes ont élu domicile dans une parcelle de bambou. "Quelle joie de contempler ces oiseaux blancs qui, au crépuscule, reviennent se percher au sommet des bambous! Apparaît alors l’image d’une forêt verdoyante couverte de fleurs blanches", confie Lê Thanh Nghia, 62 ans, surnommé par les autochtones “Monsieur les aigrettes".

Des dizaines de milliers de ces échassiers au plumage d’un blanc immaculé ont élu domicile dans sa parcelle de bambou de plus de 5 ha. Ils partent le matin pour glaner leur nourriture et reviennent le soir pour dormir. Nghia tente de les maintenir ici depuis 15 ans. Seulement pour le plaisir de les observer.

Un rêve de jeunesse

Nghia travailla comme expert et interprète du Bureau de l’état-major du Commandement militaire de la province de Ðông Tháp. À sa retraite, il est revenu dans son village natal avec la ferme intention de réaliser un rêve de jeunesse: créer un jardin d’oiseaux sauvages.

Auparavant, la région de Ðông Tháp abritait de nombreux lieux favorables aux aigrettes. Mais avec l’urbanisation, la destruction des zones humides, des bois et la chasse, les effectifs se sont effondrés. L’"espèce" (en fait, le vocable "aigrette" regroupe plusieurs espèces) n’est pas rare, mais elle est bien moins commune qu’elle ne l’était autrefois.

Nghia a d’abord acquis un terrain de plus de 5 ha derrière sa maison, où il a planté des bambous. Des variétés vietnamiennes mais aussi "exotiques" venues de Thaïlande et du Cambodge. Sa bambouseraie réunit une quarantaine d’espèces différentes, ce qui en fait l’une des plus riches du delta du Mékong. On y trouve aussi des eucalyptus et des arbres fruitiers.

C’est au début des années 2000 que la bambouseraie a accueilli ses premiers habitants ailés. Quelques dizaines d’individus, qui sont venus "tâter le terrain". Contents du nouvel habitat, ils se sont installés, attirant des congénères. La population s’est accrue au fil des mois et des années pour atteindre plusieurs centaines de têtes.

Le bois de bambou de Lê Thanh Nghia est devenu le refuge de nombreux échassiers.

Mais lorsque les villageois ont commencé à chasser les oiseaux, ceux-ci ont rapidement déserté les lieux. "Ils sont sauvages, et appartiennent donc à tout le monde, disaient-ils alors. J’étais triste, les cris des aigrettes au crépuscule me manquaient", raconte Nghia.

Comment faire pour attirer de nouveau ces échassiers? Nghia a alors l’idée de parcourir le delta pour acheter des aigrettes vivantes détenues par des paysans. Il les ramène chez lui et, dans un premier temps, les nourrit dans des cages placées au milieu de sa bambouseraie. Puis, après quelques semaines, il les relâche. Comme il l’espérait, la plupart restent dans le coin. Progressivement, sa forêt de bambou voit sa population aviaire croître de nouveau. Pour cela, il a aussi fallu persuader les villageois de ne plus chasser dans les parages. "Ces oiseaux symbolisent la paix et la prospérité du village. Et puis, ils se nourrissent d’insectes nuisibles, ce dont les paysans devraient se réjouir".

"Ces 15 années n’ont pas été une sinécure. Je suis content que mon jardin de bambou soit enfin devenu un parc d’oiseaux, c’était mon but", dit Nghia.

"D’une pierre trois coups"

Grâce à ses efforts inlassables, il a fait d’"une pierre trois coups": préserver des variétés de bambou, protéger des oiseaux en leur offrant un habitat favorable, et créer un petit "poumon vert" dans cette région campagnarde en pleine urbanisation.

Actuellement, la population ailée de la bambouseraie de Nghia s’élève à des dizaines de milliers de têtes. Perchés en grappes à la cime des bambous et des eucalyptus, ils dessinent un joli tableau champêtre, bien rare de nos jours.

Pour améliorer la vie de ses petits protégés, le propriétaire a creusé au milieu de son terrain une mare où il élève poissons et crevettes. "Ce point d’eau est particulièrement animé le soir. J’aime observer les aigrettes se laver ou se disputer la nourriture. Tous mes soucis s’évaporent", assure-t-il.

Son bois de bambou n’est pas l’habitat permanent des oiseaux. De mars à septembre, il est quasiment déserté. C’est la saison de reproduction et les oiseaux partent élever leurs jeunes ailleurs. “La saison des pluies me semble bien longue. Mais, j’ai un nouveau plan: créer un secteur favorable à la nidification”, révèle-t-il, espérant qu’"en élevant des petits, les oiseaux resteront toute l’année ici".

Le propriétaire avoue un autre projet, très ambitieux celui-là: ouvrir son parc aux touristes. "L’objectif est triple: conserver ce poumon vert, protéger les oiseaux et développer le tourisme vert. J’espère prouver que l’on peut développer cette région campagnarde défavorisée grâce au tourisme, à l’écotourisme notamment. Et montrer aussi l’exemple que protection de la nature peut aussi rimer avec développement économique".

 

   Texte: Nghia Dàn/CVN   
Photos: Thanh Dung/CVN

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