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L'ancien professeur sud-coréen Han Min-hong dans sa voiture autonome mise au point dans les années 1990, ici devant son entreprise à Yongin, au sud de Séoul, le 29 mars |
La voiture de Han Min-hong, 79 ans, a vu le jour en 1993, soit une décennie avant la création de Tesla par Elon Musk. Deux ans plus tard, sans personne au volant, sa voiture a parcouru sur l'autoroute la plus fréquentée du pays les 300 kilomètres qui séparent Séoul de la ville portuaire de Busan.
Un ordinateur de bureau, équipé d'un écran et d'un clavier, était posé sur le siège passager alors que M. Han était à l'arrière. "C'était extraordinaire", se souvient l'inventeur qui, avec son équipe de passionnés, a consacré des heures à ce "projet inédit".
À cette époque, la République de Corée d'avantage tournée vers l'industrie lourde, était encore loin d'être la puissance technologique qu'elle est depuis devenue. M. Han se souvient s'être entendu dire : "Pourquoi développer une nouvelle technologie quand on peut la payer ?".
"Audacieux et risqué"
Le professeur était tellement convaincu que ses voitures étaient sûres qu'il attachait rarement sa ceinture. Pour autant, le gouvernement, qui ne voyait pas l'intérêt d'investir dans son projet, a arrêté de financer ses recherches à l'université de Corée.
Aujourd'hui, l'entreprise de voitures électriques d'Elon Musk est un mastodonte qui pèse 600 milliards d'USD alors que M. Han ne compte plus qu'un employé dans sa petite entreprise située à Yongin, au sud de Séoul, dans laquelle il développe des systèmes d'alerte pour les véhicules autonomes. M. Musk est "formidable et exceptionnel", affirme M. Han, admiratif. Son invention aurait pourtant pu permettre à la République de Corée de désormais dominer ce secteur, regrette-il.
Han Min-hong explique le fonctionnement d'un système d'alerte pour les véhicules autonomes, dans son entreprise située au sud de Séoul, le 29 mars |
Han Min-hong explique le fonctionnement d'un système d'alerte pour les véhicules autonomes, dans son entreprise située au sud de Séoul, le 29 mars. |
Raj Rajkumar, professeur en ingénierie à l'Institut de robotique de l'université Carnegie Mellon, aux États-Unis, a visionné pour l'AFP les images datant des années 1990. Pour lui, aucun doute, elles "semblent faire partie des meilleurs travaux effectués en matière de véhicules autonomes à cette époque".
"Le professeur et son collègue ne sont même pas assis sur le siège du conducteur", c'était "très audacieux et risqué", selon lui. Il est à ses yeux regrettable que le financement du projet ait cessé et "avec le recul, ce n'était certainement pas une décision judicieuse".
L'Université de Corée qualifie M. Han de "pionnier et de héros sur la scène internationale de l'intelligence artificielle". Le professeur a également conçu le premier système de navigation automobile de la République de Corée et un mini-hélicoptère qui préfigurait les drones.
Un génie
Il est considéré dans son pays comme un génie en avance sur son époque et les vidéos datant des années 1990 ont été visionnées plus de 1,5 million de fois depuis leur publication sur YouTube en février.
Les véhicules autonomes font désormais l'objet d'une âpre bataille technologique. Des géants comme Alphabet, maison-mère de Google, dépensent des milliards de dollars dans ce marché prometteur.
L'an dernier, Tesla a annoncé être "très proche" du niveau 5 de la technologie de conduite autonome, ce qui correspond à une autonomie totale. Pour M. Han, il s'agit du niveau comparable à celui que ses travaux avaient permis d'atteindre dans les années 1990.
"Comme Tesla est considérée comme la meilleure voiture du monde, si l'occasion se présente, j'aimerais comparer notre technologie à la leur". Il rêve de voir les deux modèles rouler sur le Bugak Skyway, une route étroite et sinueuse qui passe au-dessus d'une montagne dans le nord de Séoul.
"Bien sûr, Tesla a énormément investi dans les essais, donc il se pourrait qu'elle soit bien plus sophistiquée", estime-t-il. "Mais il ne devrait pas y avoir beaucoup de différences quant aux fonctionnalités de base".
Toutefois pour lui, la technologie a ses limites : la véritable autonomie en matière de conduite est hors de portée car les véhicules ne peuvent pas aussi bien s'adapter que les humains face à une situation imprévue.
À ses yeux, les véhicules autonomes seront donc largement utilisés pour le transport des marchandises plutôt que pour la transport de personnes.