Lo Thi Duong, chef du groupe "Économies financières", lit le bulletin d’informations agro-climatiques devant une trentaine de femmes de l’ethnie Thai. |
Photo : TT/CVN |
La scène se déroule dans une maison sur pilotis au village de Phang 1, commune de Muong Phang, dans la province montagneuse de Diên Biên (Nord). Une trentaine de femmes de l’ethnie Thai sont assises en tailleur pour une réunion du groupe "Économies financières". Il s’agit d’un des groupes de représentantes des femmes issues d’ethnies minoritaires qui participent au projet d’informations agro-climatiques (ACIS), réalisé depuis 2015 par l’organisation CARE international au Vietnam et le Centre de développement communautaire (CCD).
Prendre les devants...
"Selon le Centre de prévisions météorologiques et hydrologiques de Diên Biên, la probabilité de voir des températures plus élevées au premier trimestre 2018 que les moyennes saisonnières est de 75%. Pourtant, selon les locaux, les températures devraient être plus basses au cours de cette période en raison d’une meilleure saison des châtaignes qu’à l’accoutumée, du fait qu’il faisait déjà froid au début de la saison hiver-printemps et que le tournesol mexicain a fleuri plus tôt que d’habitude", lit à haute voix la chef Lo Thi Duong. Il s’agit du contenu d’un grand bulletin d’informations agro-climatiques, placardé sur la cloison en bois de la maison sur pilotis. Divisé en deux parties, il montre les prévisions météorologiques des experts avec différents scénarios possibles, et propose aux agriculteurs des recommandations pour se prémunir de toute désillusion et/ou optimiser les rendements en fonction des conditions météo qu’il devrait faire.
Ce bulletin est le fruit du projet régional "Services d’information agro-climatique (ACIS) pour les femmes et les agriculteurs appartenant à des minorités ethniques en Asie du Sud-Est", mené simultanément au Laos, au Cambodge et au Vietnam (dont la province de Diên Biên) par l’organisation non gouvernementale CARE International depuis 2015.
À Diên Biên, deux communes de Muong Phang et Pa Khoang ont été sélectionnées comme sites du projet en raison de leur climat distinct par rapport au reste de la province.
Mme Duong est une des rares femmes Thai à maîtriser le vietnamien. C’est donc elle qui est en charge de traduire et de communiquer ce bulletin dans sa langue maternelle. Deux fois par mois, ce groupe de femmes se réunit dans l’une des maisons sur pilotis caractéristiques de cette ethnie et discute des meilleures solutions à appliquer dans leurs champs après avoir pris connaissance du dernier bulletin météorologique de l’ACIS.
Bien que chaque famille du village puisse à chaque fois s’en procurer un exemplaire, une discussion ouverte en Thai est organisée pour répondre aux nombreuses questions et interrogations, et ainsi permettre à toute la communauté de comprendre les meilleures solutions qui s’offrent à elle. Cette discussion est indispensable dans la mesure où seules quelques personnes ont eu la chance d’aller à l’école et d’apprendre le vietnamien - les autres étant illettrées ou n’ayant reçu qu’une éducation rudimentaire.
... pour un meilleur rendement
Une réunion du groupe "Économies financières" dans le cadre du projet d’informations agro-climatiques. |
Photo : TT/CVN |
"Avant, tout le monde plantait le riz en même temps, de sorte qu’il y avait beaucoup de ravageurs et d’insectes qui faisaient leur apparition à différents stades de croissance, simultanément, explique Mme Duong. Ce bulletin a changé la donne, puisque nous pouvons désormais adapter la méthode de production en fonction du temps prévu pour éviter ce genre de nuisances. Et d’ajouter que ce qu’elle apprécie le plus dans ces rapports est la manière d’utiliser correctement les herbicides et les pesticides. Grâce à ces informations, Mme Duong a récolté en 2017 de 13 à 15 sacs de riz contre 10 en 2016.
Vi Van Thành, un agriculteur-éleveur Thai dans la commune voisine de Pa Khoang, confirme : "Le rendement agricole est supérieur dans les localités qui ont accès aux bulletins météorologiques". Selon lui, les locaux utilisent moins de produits phytosanitaires depuis l’arrivée du projet de l’ACIS. "Maintenant, grâce au projet, nous savons quel type d’engrais doit être utilisé à chaque saison. Cela vaut aussi pour les pesticides. Avant, nous avions l’habitude de vaporiser tout le temps : le matin, l’après-midi et le soir".
Lê Xuân Hiêu, coordinateur du projet CARE Vietnam, déclare que la riziculture telle qu’elle est pratiquée actuellement - c’est-à-dire sur le vécu et les habitudes est vouée à l’échec, le temps changeant continuellement. D’où la nécessité de généraliser ce projet ou d’en appliquer un autre équivalent à grande échelle.
En conclusion, les prévisions agro-climatiques accompagnées des recommandations pour préparer les semences aux conditions météorologiques prévues, le délai approprié pour commencer le repiquage des semis dans les champs ou les pesticides à utiliser en temps et en heure (et avec parcimonie) ont prouvé leur efficacité. Ces bulletins permettent d’augmenter le rendement, de limiter les dégâts causés par les ravageurs de cultures et les caprices du temps, tout en réduisant les frais d’exploitation grâce à des économies réalisées sur l’épandage des engrais, insecticides et autres pesticides - moins systématique et surtout plus intelligent.