>>Le Vietnam et la Chine lancent une campagne de lutte contre la contrebande
>>De nombreux défis pour le secteur national des boissons
Inspection de l’étiquetage des prix dans un supermarché de la province de Tây Ninh (Sud). |
Photo : Duc Hoanh/VNA/CVN |
Depuis novembre 2017, la situation aux frontières du pays est critique devant l’ampleur du fléau de la contrebande qui touche tous types de marchandises : aliments, vêtements, électroménagers, cosmétiques, pétards et feux d’artifice.
Le tronçon de la Nationale 9 reliant la ville de Dông Hà à la porte frontalière de Lao Bao (province de Quang Tri, Centre), réputé pour être une artère principale dans le transit des marchandises de contrebande, est placé sous la surveillance de la brigade provinciale de lutte contre la contrebande. Travaillant jour et nuit, les membres de cette brigade - pourtant en état d’alerte maximale - n’arrivent pas à maîtriser radicalement la situation en raison de la densité du trafic et de la vitesse à laquelle les véhicules circulent. Sur cet axe routier, notamment à la tombée de la nuit, les marchandises sont transportées illégalement depuis la frontière lao-vietnamienne pour être distribuées au Centre et au Nord. Outre les motos, les autocars de 9-16 places sont déguisés de façon à échapper aux soupçons des policiers.
Des mannequins à la place des passagers
Le général Nguyên Thanh Tuân, chef adjoint de la Police routière de la province de Quang Tri, affirme que les plans échafaudés par les contrebandiers pour berner les services d’inspection sont parfois très imaginatifs. Pour appuyer ses propos, il relate une affaire remontant au 13 décembre 2017 au Km 36 de la Nationale 9.
Soupçonné de transporter illégalement des marchandises depuis la frontière lao-vietnamienne, un autocar de 30 places est arrêté. Le véhicule est fouillé de fond en comble - intérieur, bas de caisse, soutes... - et au total, plus de 1.600 canettes de bière Heineken, 1.000 bouteilles d’alcool de marques étrangères et près de 1.800 paquets de cigarettes sont trouvés. Un lot de marchandises sans documents ni origine. Les contrebandiers ont avoué qu’ils avaient l’intention de les amener à destination de la ville de Hai Phong (Nord). Et pour tromper les inspecteurs et la police, ils ont mis sur les sièges des passagers des mannequins en plastique déguisés et habillés...
Et Quang Tri est loin d’être un cas isolé. D’autres provinces du Centre frontalières avec le Laos et le Cambodge sont confrontées à ce type de trafics. Un véritable casse-tête pour les services compétents. Dans son rapport 2017, la brigade de gestion du marché de la province de Hà Tinh a précisé que 3.690 affaires avaient pu être mises au jour, dont la majorité au cours des mois proches du Nouvel An lunaire 2018.
Le poste frontalier de Bo Y (province de Kon Tum, hauts plateaux du Centre) a confisqué mi-janvier un important lot de pétards. |
Photo : Hai Hà/VNA/CVN |
La contrebande n’est pas l’apanage des grands axes routiers proches des zones frontalières. Le combat des forces de l’ordre se fait aussi sur les lignes fluviales domestiques. Illustration avec la province de Quang Ninh (Nord). Les contrebandiers profitent du relief accidenté au travers duquel serpentent les cours d’eau pour transporter en bateaux déguisés en navires de pêche des marchandises de la Chine vers le Vietnam.
"Sur les lignes fluviales, la contrebande est particulièrement difficile à maîtriser. Les contrebandiers utilisent des bateaux de grande puissance et opèrent essentiellement la nuit", fait savoir Dô Xuân Hiên, chef adjoint de la brigade de lutte contre la contrebande de la Douane de Quang Ninh.
Cigarettes, pétards et feux d’artifice
Comme bien d’autres pays, le Vietnam a interdit la fabrication, le commerce et l’utilisation des pétards en 1995, sécurité oblige, au regard des nombreux accidents graves recensés chaque année, notamment lors du Têt ou des mariages. Mais, malgré le danger, une minorité de jeunes cherche toujours à s’en procurer clandestinement, notamment dans les régions rurales, ce qui alimente le trafic.
D’après un commerçant installé à la porte frontalière de Tân Thanh (province de Lang Son, Nord), "la vente de pétards est très lucrative. Voilà pourquoi les contrebandiers s’y adonnent". Depuis le début de l’année 2018, les inspecteurs de Lang Son ont découvert 134 affaires et arrêté 173 trafiquants. Plus de 6 tonnes de pétards ont été saisies.
La province de Quang Ninh a découvert, entre mi-décembre 2017 et mi-janvier 2018, quatre affaires de transport illégal de pétards dont deux ont d’ores et déjà fait l’objet de poursuites judiciaires. Les contrebandiers rivalisent également de malice en dissimulant les pétards dans les bagages à main ou les vêtements.
En novembre et décembre 2017, les inspecteurs de la province de Hà Tinh (Centre) ont démantelé dix affaires de contrebande de pétards et de feux d’artifice et en ont saisi près d’une tonne. Toujours dans le Centre, les provinces de Nghê An, Quang Binh, Thua Thiên-Huê affirment elles aussi qu’elles restent en alerte maximale concernant la circulation clandestine de ces produits.
Un plan pour agir ensemble
La police maritime renforce les patrouilles pour empêcher le transport illégal de marchandises. |
Photo : CTV/CVN |
Face à la situation, le Comité national de pilotage contre la contrebande, la fraude commerciale et la contrefaçon (dit Comité national 389) a promulgué dès janvier le plan d’action pour l’avant et l’après-Têt traditionnel 2018. Ce plan est appliqué au niveau national, notamment dans les villes et provinces ayant des frontières terrestres ou maritimes. Concrètement, les brigades concernées sont mobilisées pour renforcer la surveillance des "points chauds". Les brigades de police, les inspecteurs et gestionnaires de marché se sont vu intimer l’ordre de renforcer les contrôles de la circulation des marchandises sur le marché domestique. Elles ont pour missions d’examiner les permis de commerce, de s’assurer que les entreprises et commerçants s’acquittent des taxes appliquées sur les produits, de vérifier l’origine, l’étiquetage de ces derniers et que les critères de qualité sont respectés.
De leur côté, les garde-frontières et les douaniers ont reçu la recommandation de collaborer pour surveiller le transport des marchandises aux frontières terrestres, notamment aux portes-frontalières. Les bagages des passagers voyageant par les airs seront examinés à la loupe par les douaniers pour découvrir tout transport illégal de marchandises. La police maritime a reçu l’ordre d’opérer avec les garde-frontières, les douaniers et les autorités locales pour démanteler le trafic par voies maritime et fluviale de carburants et de minerais, notamment dans les eaux maritimes du Nord-Est et du Sud-Ouest du pays.
La lutte anti-contrebande nécessite aussi une coopération régionale, en particulier avec les pays frontaliers. Dans cette optique, la Chine et le Vietnam ont décidé, selon le correspondant de l’Agence Vietnamienne d’Information en Chine, de lancer une campagne de cinq mois - de novembre à mars - pour lutter contre le trafic de drogue, d’armes à feu, de faux billets, d’espèces animales et végétales menacées d’extinction, ainsi que les importations illégales d’aliments. Cette campagne est menée par les douanes des trois provinces vietnamiennes de Quang Ninh, Lang Son et Cao Bang (Nord) et de la région autonome chinoise des Zhuangs du Guangxi.
En resserrant ainsi l’étau sur les contrebandiers, le gouvernement espère limiter, par effet de dissuasion, ces opérations frauduleuses qui sont de plus en plus problématiques.
Linh Thao/CVN