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La femelle Grady, deux semaines après sa naissance en avril 2018, aux États-Unis, par fécondation in vitro. |
Des chercheurs tentent depuis des années de contourner le problème, avec l'idée suivante: prélever des tissus testiculaires non développés avant que la chimiothérapie ou la radiothérapie ne produisent leurs effets toxiques; les congeler pendant des années... Et les regreffer à l'adolescence, dans l'espoir qu'ils se développent et produisent du sperme normal à la puberté.
Trois expériences menées sur des singes depuis les années 2000 ont montré que la spermatogenèse pouvait reprendre avec ce type de greffes de tissus pré-pubertaires.
Mais jusqu'à présent, aucune expérience n'était allée jusqu'à la conception et à la naissance d'un bébé. Une équipe dirigée par un biologiste de l'Université de Pittsburgh a annoncé jeudi 21 mars avoir réussi à franchir cette étape et à faire naître, par cette technique et une fécondation in vitro, une femelle macaque en avril 2018, baptisée Grady. Leur étude, financée par les Instituts nationaux de santé, est publiée dans la revue Science.
L'expérience montre que le concept de sauvegarder des tissus testiculaires immatures pour aider les garçons ayant eu un cancer à devenir pères est crédible. Pour les filles, des expériences distinctes s'intéressent à la greffe de tissus ovariens.
À Pittsburgh, 206 garçons et 41 filles traités pour des cancers ont fait congeler leurs tissus depuis 2011 dans l'espoir que la technique devienne un jour disponible, a expliqué Kyle Orwig, professeur à l'Université de Pittsburgh et auteur principal de l'étude.
"Je pense que la technologie sera disponible au plan clinique dans les deux à cinq prochaines années", a-t-il dit à l'AFP, ajoutant que les discussions avaient commencé avec les régulateurs.
Méthodologie
Sur le plan méthodologique, l'AFP a toutefois soulevé un problème concernant l'étude, au point que les éditeurs de science ont déclaré qu'ils évaluaient l'opportunité de demander une correction aux auteurs.
Les cinq macaques de l'expérience ont subi une chimiothérapie mais ce traitement ne les a pas rendus stériles, a reconnu M. Orwig. Les macaques n'étaient stériles au moment des greffes que parce qu'ils avaient été castrés, ce qui est, selon les auteurs, la procédure standard pour ce type d'étude.
Mais ce traitement par chimiothérapie n'est pas mentionné dans l'étude soumise à science alors que le chercheur a évoqué ce traitement en interviews et dans une vidéo produite par l'université, ce qui pouvait donner la fausse impression que les macaques étaient devenus stériles en raison de la chimiothérapie.
Interrogé par l'AFP sur ce décalage entre l'article scientifique et la communication publique, Kyle Orwig a répondu que cela ne changeait pas la réussite de l'expérience car le spermatozoïde utilisé pour la naissance de Grady venait bien de greffons.
"J'avais oublié que nous avions décidé de ne pas mentionner la chimio dans le papier car nous pensions que c'était non pertinent par rapport au plan expérimental, et que cela n'avait pas d'impact sur le résultat", a-t-il affirmé.
"C'est en effet non pertinent" sur le résultat, dit le Professeur Stefan Schlatt, auteur d'un éditorial sur l'étude dans science. "Mais cela aurait été plus honnête et correct scientifiquement de mentionner l'ensemble des traitements dans le manuscrit".
En général, un changement de protocole, même minime, est décrit par les chercheurs dans les articles scientifiques. Les responsables de Science, interrogés par l'AFP, ont indiqué jeudi 21 mars n'avoir pas été mis au courant de la chimiothérapie mais n'ont pas dit si cela était considéré comme un problème important ou non pour la validité de l'étude.
"La conception d'une expérience évolue au fur et à mesure que les chercheurs incorporent de nouvelles connaissances", ont déclaré les éditeurs de science, qui précisent être en contact avec les auteurs.