>>Le Monopoly à la mode saïgonnaise
Le collectionneur Tom Werneck pose dans les archives Bayerisches Spielearchiv des jeux de société, à Munich, le 12 décembre |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Du sol au plafond d'un sous-sol bavarois, le collectionneur de 79 ans a empilé des jeux depuis près d'un demi-siècle. Une de ses perles? Un jeu sorti dans les années 1980, Trump: The game. Le tout en lettres d'or, bien sûr.
Acheté dans la Tour Trump à New York, la boîte est aussi illustrée d'une photo du promoteur immobilier d'alors, devenu président américain, et d'une phrase typiquement trumpienne: "La question n'est pas de gagner ou de perdre, mais de gagner!"
Pour Tom Werneck, rien n'est plus faux. "Jouer, c'est se connecter avec les gens. Je veux jouer avec toi, te regarder dans les yeux. Tu es le vrai but du jeu. Je me fiche de savoir si je gagne ou si je perds", dit-il.
Paradoxalement, cet ancien employé de Siemens a connu une enfance en plein air, dans les Alpes bavaroises, durant laquelle il n'a manié ni des dés ni des pions. Sa flamme pour le jeu de société, il l'a développée à l'âge adulte, après avoir été déçu par un jeu acheté, ce qui l'a amené à en modifier les règles jusqu'à satisfaction.
La passion est alors née, un tantinet compulsive... au point que son épouse a dû mettre le hola devant sa frénésie d'achats.
Mais, désireux de profiter de son hobby, M. Werneck trouve une solution pour accéder aux jeux à moindre coût: il se fait chroniqueur dans des journaux allemands et fréquente la célèbre foire du jouet de Nuremberg pour faire le plein.
Jeu nazi
Collection de jeux de société conservées aux archives Bayerisches Spielearchiv des jeux de société, à Munich, le 12 décembre. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Sa plus grande fierté: avoir co-créé en 1979 le Prix du jeu de l'année ("Spiel des Jahres"), devenu en quarante ans une institution en Allemagne, prisée des fabricants.
Si la plupart des jeux de société commencent avec un lancement modeste, entre 3.500 et 5.000 boîtes, le lauréat du "Spiel des Jahres" peut espérer vendre de 300.000 à 500.000 exemplaires de sa création, assure M. Werneck.
Pour préserver sa collection et la rendre accessible aux futures générations, Tom Werneck a aussi fondé il y a une vingtaine d'années une association à but non lucratif.
Parmi ses plus anciennes pièces figure un jeu de cartes vert et blanc des années 1870 représentant des compositeurs célèbres.
Sa vaste collection est désormais conservée dans un bâtiment mis à disposition par la municipalité de Haar, dans la banlieue de Munich.
M. Werneck et son équipe d'une quinzaine de bénévoles y cataloguent et stockent soigneusement chaque titre, de nouvelles acquisitions arrivant presque quotidiennement.
Des classiques modernisés
Le collectionneur Tom Werneck pose dans les archives Bayerisches Spielearchiv des jeux de société, à Munich, le 12 décembre. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Loin de se démoder dans un monde où le numérique prend une place sans cesse croissante, le besoin de se détacher des écrans et d'interagir avec des personnes réelles semble même alimenter un boom mondial des jeux de société.
Le marché des puzzles, jeux de société et cartes a ainsi augmenté de 6% en 2017 au niveau mondial (et d'exactement autant en Allemagne), selon l'institut d'études NPD, et la tendance paraît durable.
Ces divertissements génèrent en Allemagne quelque 500 millions d'euros de revenus annuels, soit une part non négligeable du marché du jouet dans le pays, qui est évalué à trois milliards d'euros, précise l'Association allemande de l'industrie des jouets (DVSI).
Les entreprises de jouets se sont donc également tournées vers des "influenceurs" en ligne pour promouvoir les jeux.
Les classiques se renouvellent aussi, comme le Monopoly qui propose désormais une édition "Fortnite" - basée sur le jeu vidéo à succès éponyme - ou une version raccourcie du jeu original.
La popularité de ces jeux n'étonne pas M. Werneck: cela "reflète ce qui se passe dans la société".
Les applications de jeux de société sur smartphones, une autre tendance en vogue, laissent en revanche dubitatif le collectionneur. "Si je dois me concentrer sur un stupide appareil au lieu de mes camarades de jeu, c'est que quelque chose ne va pas".
AFP/VNA/CVN