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Francis Heaulme au tribunal de Versailles, le 20 décembre. |
Croquis d'audience: AFP/VNA/CVN |
La cour d'assises des Yvelines a tranché comme celle de la Moselle en 2017: oui, Francis Heaulme est coupable des meurtres de Cyril Beining et Alexandre Beckrich, retrouvés tués à coups de pierre le 28 septembre 1986 sur un talus SNCF, dans cette commune de la périphérie de Metz.
"Mon combat est terminé, j'ai été jusqu'au bout, je l'ai promis à mon Cyril", a réagi, très émue, Chantal Beining, la mère de l'un des enfants, à la sortie de l'audience. C'est elle qui avait fait appel du non-lieu prononcé en 2007 au bénéfice de Francis Heaulme, ouvrant la voie à un procès.
Dans le box, la haute silhouette de Francis Heaulme n'a pas bougé à l'annonce de sa troisième condamnation à perpétuité. Au cours du procès, il a reconnu être passé à deux reprises le long de la voie ferrée ce jour-là mais, jusqu'au dernier jour, il a répété: "Montigny, c'est pas moi". Ses avocats ont annoncé leur intention de se pourvoir en cassation.
"S'ils sont morts, c'est qu'ils ont croisé celui qu'il ne fallait pas", a estimé jeudi 20 décembre l'avocat général Guirec Le Bras, debout face à l'accusé, aujourd'hui âgé de 59 ans et incarcéré depuis 1992. La cour doit donner "définitivement un visage à celui qui a fait disparaître les enfants", a déclaré le magistrat, demandant la perpétuité pour celui qui est surnommé le "routard du crime".
Pourtant, ce visage a longtemps été celui de Patrick Dils. Celui d'un adolescent de 16 ans, condamné pour ce double crime puis acquitté en 2002 à la faveur de la révision de son procès, après 15 ans en prison. "Lorsque la justice s'est fourvoyée, égarée, dans ce que mon collègue a appelé un +aveuglement collectif+, il nous faut le reconnaître", a souligné Olivier Mesrine, l'autre avocat général de ce procès.
"Un doute"
Les méandres judiciaires de ce dossier ont imprimé un doute dans l'esprit de la famille Beckrich, absente à l'énoncé du verdict. "32 ans après les faits, sans preuve matérielle et sans aveux, seule l'intime conviction a emporté la décision", a regretté Me Dominique Rondu, leur avocat. "Il restera toujours un doute".
Au cours des trois semaines d'audience, la cour a dû lutter contre le temps et la distance qui la séparaient des crimes. Une vingtaine de témoins ne se sont pas présentés, beaucoup ont été entendus en visioconférence, peinant à rassembler leurs souvenirs. À ces obstacles s'est ajoutée l'absence de preuve matérielle, les scellés ayant été détruits en 1995, empêchant toute nouvelle investigation scientifique.
"L'ADN n'est pas la reine des preuves, pas plus que l'aveu", a balayé l'un des avocats généraux. Contre l'accusé, il y a sa "parfaite connaissance des lieux", des témoignages qui le situent à proximité des faits, des aveux rapportés par des codétenus, a listé M. Le Bras.
L'accusé a toujours nié, mais "il n'a cessé de varier", se dépeignant parfois comme le spectateur des faits, a rappelé l'avocat général, pour qui la "violence" des crimes, "qui dépasse l'entendement", rappelle les autres meurtres pour lesquels le tueur en série a été condamné.
"Jugez-le comme les autres!" a répliqué la défense, demandant au jury de faire abstraction du lourd "passé" de son client. Du premier au dernier jour, les avocats de Francis Heaulme ont demandé l'acquittement au bénéfice du doute.
Dans cette affaire, "la justice est, quelque part, à la recherche de son honneur perdu", a estimé Me Liliane Glock, questionnant à nouveau le rôle de Patrick Dils, il y a 32 ans.
Son confrère Alexandre Bouthier a rappelé qu'un autre homme, Henri Leclaire, avait été soupçonné en 1986 puis en 2014, avant d'être finalement mis hors de cause. "On a le droit de dire, +on a tout essayé, on est allé au bout, il n'y a pas assez de preuves", a affirmé l'avocat. "Ce n'est pas un échec".
Vendredi soir 21 décembre, Francis Heaulme est reparti pour la prison de Ensisheim, en Alsace, où il purge ses condamnations pour neuf autres meurtres.