Tinh Khuc, un hommage à la poésie de Hoàng Câm

Le recueil Tinh Khuc (Romances) nous plonge dans l’univers de Hoàng Câm. Dominique de Miscault, l’illustratrice, nous interpelle dès les premières pages : Qu’est-ce qu’un poète ou plutôt un artiste ? Que reste-t-il de Hoàng Câm ? Quel a été son message qui en a fait un être unique ?

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Hoàng Câm est un des noms de plume de Bùi Tang Viêt, poète, dramaturge et romancier né le 22 février 1922 dans la province de Bac Giang (Nord) et décédé le 6 mai 2010 à Hanoi. On lui connaît aussi d’autres surnoms comme Lê Thai, Lê Ky Anh ou encore Bang Phi. En avril 1957, il contribua activement à la création de l’Association des écrivains du Vietnam. Il reçut 50 ans plus tard le prix d’État des Arts et des Lettres, la plus haute distinction décernée par l’État vietnamien aux artistes. Il semble que son poème Lá Diêu Bông (La feuille de Diêu Bông) ou encore «feuille merveilleuse» ou «feuille magique» soit une référence dans son art et fixe définitivement les grandes lignes de son style.

Le poète Hoàng Câm lors d’un retour à sa terre natale à Bac Giang en l’an 2000.
Photo : Archives/CVN

Pour rendre ainsi hommage à un tel artiste, Dominique de Miscault et Tuê Sy se devaient d’être transcendants, de donner le meilleur d’eux-mêmes pour mettre, remettre définitivement au goût du jour et pour toujours la poésie de Hoàng Câm. Tout part d’un ex-libris tiré en gravure de 1996 réalisé par Dominique et offert au poète. Ce sera le début de rencontres et d’échanges pendant une petite quinzaine d’années afin de connaître l’homme, sa vie tout près de la cathédrale de Hanoi. Vint ensuite l’idée de mettre en valeur avec Tuê Sy et Hanh Viên 36 poèmes de l’artiste, de les traduire et de les magnifier à travers une autre langue : la langue picturale. Ce travail colossal déboucha sur une conclusion évidente : «Hoàng Câm est définitivement un grand poète qui marque l’âme et la pensée vietnamienne».

Un travail d’orfèvre

Ce travail a été un long cheminement intellectuel rythmé par des doutes et des remises en question. Il était indispensable de s’associer à des traducteurs chevronnés pour analyser à plusieurs voix en respectant les subtilités du poète et tout son imaginaire : «Finalement, devant la complexité de la traduction, nous ne retenions que dix poèmes sur les trente-six prévus au départ». C’est ainsi qu’outre les poèmes en vietnamien, les auteurs du recueil ont concentré leurs efforts et offerts en français aux lecteurs les poèmes suivants : Pluie sur Thuân Thành, À ta poursuite, Bain de nuit, Nous deux éternellement verts, Le jeu de Tam Cuc, La Vergerette, Le verger des goyaves, Appeler la paire, L’eau de la rivière Thuong et, bien évidemment, La feuille de Diêu Bông.

Tout autour de ces textes figurent, correspondent et s’entrechoquent la beauté et l’émotion de Dominique de Miscault. Tantôt violente, tantôt douce ou apaisée, la peinture de Dominique nous éblouit et attire notre regard. Minérale, animale, énigmatique, cette peinture n’a jamais été vue nulle part. À première vue, on y voit la nature, les roches, les animaux mais elle vient de beaucoup plus loin et correspond bien ici à cette autre imaginaire, celui de Hoàng Câm qui invente un langage personnel connu de lui seul.

La rivière Duông, une source d’inspiration pour le poète Hoàng Câm.
Photo : SVVN/CVN

Dès lors, comment faire pour Tuê Sy, comment approcher la poésie de Hoàng Câm en langue française ? «Je me suis d’abord heurté à la barrière de la langue ; la lexicologie et la syntaxe très spécifiques dans les poèmes de Hoàng Câm, soit à cause du dialecte local, soit à cause des variantes historiques, dont certaines me sont inconnues, sont symbolisées par des signes qui sont aussi des mots. J’ai demandé de l’aide à mes amis qui ont connu le poète comme ses confrères ou ceux qui sont spécialisés dans le décryptage des énigmes, des mots, et des phrases».

Oui, le mot est lancé : décryptage. Tout est décryptage dans ce recueil et Tinh khuc est bien en soi un petit émerveillement et un si bel objet que vous avez ou aurez très vite entre les mains obligatoirement. Tuê Sy définitivement en parle le mieux : «Maintenant le lecteur doit fermer les yeux, laisser s’évanouir le monde et ses poursuites fatigantes d’un amour naïf et fidèle ; la rizière disparaît au crépuscule comme la paille de riz à l’automne ou l’hiver, où l’imaginaire feuille de Diêu Bông… Alors, on perçoit simplement une impression, émergeant de taches colorées : Le vert de l’herbe pour l’amour innocent mais tourmenté aussi par la nostalgie en des traces de couleur foncées et fugaces…».

Oui fermez les yeux et découvrez parmi tant d’autres beautés Le verger des goyaves :

«Couché sur le sable de la plage,
mon cœur est léger.
La vague pousse la jonque.
Le vent souffle dans la voile.
Je retiens le gouvernail.
Qui pousse la jonque à la dérive..

Bon voyage avec nos artistes et respect à Hoàng Câm.


Bonne adresse pour trouver le livre
Librairie Huong Tich : 308/12 Nguyên Thuong Hiên, arrondissement de Phu Nhuân, Hô Chi Minh-Ville.
Tel : (+84) 09 03 74 01 22

Hervé Fayet/CVN

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