Croyances et rites des Mang

Les Mang ne comptent que plus de 3.000 représentants répartis dans la province montagneuse de Son La (Nord-Ouest). Leurs mœurs et coutumes gardent de nombreux vestiges de communautés tribales. Leur culture folklorique ne manque pas d’originalité et de pittoresque.

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Les Mang vivent essentiellement dans la région Nord-Ouest.

Les Mang appartiennent à famille ethno-linguistique austroasiatique (groupe môn- khmer). Ils vivent de la culture du riz et du maïs, de la cueillette et de la chasse, dans leurs petits villages groupant chacun une dizaine de familles. Encore parfois nomades, les Mang croient que le Dieu suprême, Mon Ten (Ciel) est le créateur des hommes, des plantes, des animaux et de tout l’univers qui comprend quatre couches superposées : la couche céleste est le séjour des divinités toutes puissantes et mystérieuses ; la couche terrestre abrite les hommes, les plantes et les animaux ; dans la couche souterraine habitent les diables et les nains monstrueux ; la couche aquatique est le monde des thuông luông (grands reptiles ophidiens aquatiques, plutôt légendaires) affectant la forme humaine pour faire le malheur des hommes.Ci-dessous quelques cultes et cérémonies des Mang.

Des fantômes dans leur croyance

Les croyances animistes donnent un pli (fantôme) à chaque être et chaque chose - plante, animal, colline, ruisseau, maison... L’homme, comme tout être vivant, a un corps visible et une âme invisible qui ne périt pas et mène une existence invisible des vivants. Il y a des fantômes bienfaisants et d’autres malfaisants. L’homme, être intelligent, peut gouverner les fantômes et les diables, écarter les mauvais esprits grâce à une pierre précieuse que lui a donnée Mon Ten avant d’être lâché sur la Terre. Un culte spécial est réservé à toutes sortes de fantômes, fantôme du riz, de la rizière, de la forêt, de la montagne, du neuve, du torrent, de la maison, de la porte, des ancêtres, des parents.

Les soins donnés au tombeau d’un mort cessent après un certain temps. Le culte des fantômes et des ancêtres est pratiqué dans la maison dont la colonne maîtresse sert d’autel. Il ne s’accomplit pas par les anniversaires de la mort de chaque disparu mais collectivement dans certaines cérémonies. Les offrandes cultuelles comprennent le riz gluant, le vin de riz, la viande, le sel et le piment.

Culte du fantôme de la maison

Chaque objet a son fantôme qu’il faut honorer. Le fantôme de la maison a la priorité des cultes. Son autel est la colonne centrale de la maison, laquelle sert aussi d’asile des fantômes des ancêtres et des grands-parents et parents décédés. Ce culte est célébré quand la famille doit faire face à un malheur : maladie, accident, mauvaise récolte, etc.

lls vivent de la culture du riz et du maïs, de la cueillette et de la chasse.
Photo : CTV/CVN

Les offrandes cultuelles comprennent deux boules de riz gluant cuit à la vapeur, deux écureuils, un coq. Pendant la cérémonie, on plante au pied de écureuils menant au plancher de la maison sur pilotis un rameau vert pour interdire aux étrangers de monter. L’office est réalisé par la famille elle-même ou par un sorcier. Il comprend deux services : le premier avec comme offrande rituelle un coq vivant, le deuxième avec la volaille bouillie. Au cours de la cérémonie, le sorcier, un éventail à la main, marche autour du plateau d’offrandes déposé sur le plancher, récitant à voix basse des prières pour chasser les fantômes de la forêt, des torrents et des fleuves, et toutes sortes de d’esprits malfaisants.

La famille espère que la cérémonie donnera la guérison d’un malade, une moisson abondante et la bonne entente pour tous ses membres. Par la réalisation de la cérémonie, on demande le concours des membres de la lignée familiale et des amis. La partie rituelle donne lieu à de joyeux ébats.

La vieille légende des Mang

Le rite sacrificiel du buffle provient d’une vieille légende selon laquelle le vaillant chef de tribu Po Gia avait tué sept buffles pour implorer l’intervention des divinités. Ces dernières ont fait venir l’eau des sources et des rivières, permettant aux assiégés de garder leur forteresse. Il est interdit aux membres du clan de manger la viande de l’animal totémique : le clan To Giuang (Chín) ne mange pas les poules d’eau, les Văn No (Lo) la viande de l’oiseau Noc Tang Lo.

Aucun clan ne tue et ne mange de chevreuil, divinité prise comme totem et considérée comme patron de la culture du riz. D’autres interdits concernent les divinités, les fantômes, les ancêtres, les activités quotidiennes, sans parler de nombreuses activités agricoles. Les cérémonies rituelles des Mang gardent leur originalité malgré les emprunts à celles d’autres peuples minoritaires voisins.

Se réunir pour arroser lors d’un mariage.

Les croyances des Mang restent assez primitives, révélant une étape où il n’existe pas encore de devins et de sorciers attitrés, leur société n’étant pas divisée en classes caractérisées. Les devins et les médicastres qui font la chasse aux fantômes vaquent chaque jour aux travaux champêtres comme les autres villageois. Les Mang ont en général changé leur mode de vie depuis l’indépendance du pays, passant du nomadisme à l’agriculture sédentaire : formation de rizières superposées sur les pentes, de vergers et de potagers, développement de l’élevage de la volaille et des porcs, de la pisciculture. Ce changement économique a fait disparaître certains rites surannés et apparaître de nouveaux.

Cérémonie cultuelle de la lignée familiale

Cette cérémonie, au début de l’année, était organisée en grandes pompes. Toutes les familles de la lignée se réunissaient chez le chef de la lignée (Mon Dam) à cette occasion. Chacune devait apporter sa contribution. On sacrifiait un buffle ou un bœuf. Après le dîner, les réjouissances (chant, danse au son des tambours et des gongs) duraient deux à trois jours. Cette coutume a fini par disparaître, les rites du Mon Dam diminuent en importance, mais son fantôme est toujours honoré dans chaque famille.

Culte des ancêtres de la famille de la femme

Le culte des ancêtres de la famille de la femme est organisé par l’épouse du chef de famille. Y participent les membres de la belle famille de ce dernier. Les membres du chef de famille se tiennent à l’écart, se contentant de contribuer à menus travaux préparatifs (achat de provisions...). La cérémonie a lieu en général au début de l’année, après la moisson. Mais elle peut aussi s’organiser au milieu ou à la fin de l’année, à une date fixée selon des conditions particulières de chaque famille.

Les préparatifs commencent avec la construction d’une baraque près de la maison ou sur un terrain près d’un torrent. Comme offrandes cultuelles, il y a un tronçon de bambou (pseudo vase à alcool), un coq bouilli, une boule de riz gluant cuit à la vapeur, une petite assiette de sel et de piment, une pipe à eau. Pendant trois années consécutives, la viande rituelle est celle du coq, a partir de la quatrième année, on offre du cochon, puis ce cycle se renouvelle.

Ces dernières années, les Mang bénéficient des soutients de l'État pour sortir au fur et à mesure des conditions de vie difficiles.

Concernant la viande de porc, on tue un cochon de 10 à 20 kg ; on met sur l’autel une assiette contenant un peu de viande de sa tête, quelques morceaux de son foie et ses entrailles (le tout après la cuisson). Au cours de la cérémonie, la maîtresse de famille est assise dans la baraque, le visage tourné vers le dehors, devant le plateau d’offrandes cultuelles. Si l’on a recours à un sorcier, elle s’asseoit à côté de lui. Dans l’invocation rituelle, on invite les fantômes des ancêtres à revenir pour quelque temps chez les vivants afin de consommer les offrandes cultuelles et bénir leurs descendants.

La cérémonie terminée, la maîtresse de cérémonie rapporte à la maison les offrandes cultuelles. Les simili-vases à alcool en bambou sont fixés à la cloison de bambou, près de l’endroit où dort la maîtresse de cérémonie (sur le plancher de la maison sur pilotis). Le sorcier examine la patte de coq ou le morceau de foie de cochon pour prédire ce qui pourrait arriver de bon ou de mauvais à la famille, les rites étant accomplis, on fait ripaille avec la viande et l’alcool cultuels.

Cérémonie d’invocation d’âmes de malade

Quand dans la famille, un membre souffre d’une longue maladie et qu’aucun remède n’a pu le guérir, on organise cette cérémonie. L’âme de toute personne peut quitter son corps pour errer dans l’espace un certain temps avant de le rejoindre. Si un patient est incurable, c’est qu’un esprit malfaisant empêche son âme de se réincarner. La cérémonie curative libère le malade de cette emprise. Elle a lieu sur le plancher de la maison sur pilotis, devant la porte d’entrée, côté échelle principale s’il s’agit d’un patient, côté échelle secondaire quand c’est le cas d’une patiente.

Les offrandes cultuelles comprennent un tube d’eau, du sel, du piment, un boule de riz gluant, les os de la poitrine d’un coq bouilli avec un morceau de sa viande. Quand l’office commence, on plume les ailes d’un coq vivant. Le sorcier prend un peu d’eau dans sa bouche pour en cracher trois fois, tout en mélangeant du riz gluant avec du sel et du piment pour en faire deux boules ovoïdes. Il murmure une formule magique pour chasser le fantôme malfaisant, puis jette un boule de riz au pied de l’échelle menant au plancher de la maison sur pilotis pour le faire rouler le plus loin possible. Il clôture la cérémonie en mettant l’autre boule de riz et les plumes de la volaille sous le toit près de la porte d’entrée. Le malade doit s’abstenir de bains pendant trois jours après la cérémonie, garder le lit. Il lui est interdit de dormir dans une autre maison.

(À suivre)

Huu Ngoc/CVN

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